Jean-Yves Le Naour s’est imposé peu à peu comme un spécialiste reconnu de la première guerre mondiale. Il a su en dévoiler des faits plus ou moins occultés volontairement parfois ou simplement oubliés (La Faute au Midi, Verdun avant l’orage). Dans Verdun il raconte comment l’épouse d’un sous-officier, fusillé pour l’exemple, sans jugement va se battre pour obtenir justice et la réhabilitation de son mari Gustave Herduin. Autant dire que dans la France des années vingt pas vraiment ouverte moralement et intellectuellement à une remise en cause aussi violente de la hiérarchie militaire, Madame Herduin va en voir de toutes le couleurs mais aura la chance d’être aidée par une poignée d’honnêtes hommes. Marko (Les Godillots) a mis en scène le récit de Le Naour dessiné par Iñaki Holgado accompagné par les couleurs de Sébastien Bouet. Un album poignant qui rend hommage au courage exceptionnel d’une femme à la volonté et à l’amour à toute épreuve.
Ossuaire de Douaumont, tranchée des baïonnettes avec ses poilus ensevelis, une femme veut savoir où a été enterré son mari. Gustave Herduin et mort le 11 juin 1916, fusillé mais il n’y a aucun dossier le concernant. Il est déclaré mort pour la France mais son épouse veut savoir la vérité et s’adresse à des avocats, des journalistes, des députés. En cette année 1920 l’affaire Herduin n’emballe pas les foules. Alors elle porte plainte pour meurtre et là on commence à s’agiter dans les états-majors car des Herduin abattus sans jugement il n’y en a pas eu qu’un. Toute la hiérarchie de l’époque est mouillée. Le général Boyer qui a donné l’ordre appuyé de Nivelle à Pétain, Joffre, ils ont poussé à la roue. Seule solution faire disparaître les dossiers ce que fait le ministre des armées. Plainte classée. Pour avancer, il ne reste que la chambre des députés et une interpellation du gouvernement.
L’affaire Herduin est en soit exemplaire. Il a sauvé ses hommes en ne les laissant pas se faire tuer pour rien. Le procès sera celui de la vérité, de la boue, de la mort, de l’injustice. Verdun était en 1916 la bataille à ne pas perdre. Un colonel va donner l’ordre d’exécuter Herduin et Millant. Un capitaine refusera menacé lui aussi de finir au poteau. C’est Herduin qui dirigera le peloton contre lui. Le ministre Barthou sera même lâché par ses propres députés écœurés et souvent anciens poilus. Il fera des promesses qu’il ne tiendra pas. Fernande Herduin sera pourtant allée au bout de son combat mais attendra encore plusieurs années avant qu’on lui rende l’honneur perdu de son mari. Un album important qui laisse un goût amer car Herduin et Millant n’ont pas été les seules victimes de bourreaux galonnés qui n’avaient jamais mis un pied dans une tranchée ou chargé avec leurs hommes à la baïonnette.
Verdun, Tome 3, Les fusillés de Fleury, Grand Angle, 14,50 €
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