Buffalo Bill et son cirque à Marseille, ce n’est pas une galéjade. Michel Faure qui aime le Midi en a tiré un album, Camargue Rouge. D’octobre 1905 à mars 1906, Buffalo Bill et son cirque, le Wild West Show, ont fait découvrir aux Provençaux (après la reine Victoria ou la cour de Russie) les grands moments romancés de la conquête de l’Ouest.
Plus encore que le passage du cirque pour la deuxième fois à Marseille, c’est une anecdote étonnante que Faure a mise en scène. Bloqués sur le vieux port, les Indiens du Wild West Show vont s’installer en Camargue. Invités par le marquis de Baroncelli, grande figure de la nation gardiane et de la langue provençale, les Indiens de la tribu des Lakotas plantent leurs tipis près du mas de sa manade. Les Lakotas, massacrés à Wounded Knee par l’armée américaine, sont devenus des figurants méprisés loin de leur patrie avant de retourner dans leurs réserves.
Faure a brodé une trame romanesque et historique à partir de cet évènement. Mario, un jeune gardian de mère gitane, tombe amoureux de la belle indienne Shania. Entre Camarguais et Lakotas le courant passe, fait de respect et de partage des mêmes valeurs.
Faure, avec Jean Vilane comme coscénariste, a reconstitué l’épopée du Wild West Show depuis sa création puis son voyage avec bisons, chevaux et une troupe de centaines de figurants vers l’Europe. Attaque de diligence, chasse aux bisons par Buffalo Bill, dressage, parade, la bataille de Little Big Horn, le spectacle était un rêve éveillé pour un gamin, dixit soixante-dix ans plus tard un grand-père à son petit-fils.
Communion entre deux peuples
L’épisode camarguais que décrit Faure dans ce delta du Rhône unique et préservé, a la saveur d’une communion entre deux peuples unis par la soif de liberté, perdue pour les uns, sous tutelle pour les autres. Ils partagent amour de la terre des ancêtres, de la nature, des chevaux et des « bious », les taureaux en provençal, rois des courses libres sans mise à mort.
Faure qui connaît bien la région emmène ses Indiens conduire l’abrivado de Gallargues, fête traditionnelle avec lâcher de taureaux. Frédéric Mistral est aussi de la partie, poète provençal emblématique. Clin d’œil à Pagnol avec Pételugue. Gitans, Indiens et gardians se retrouvent au pèlerinage des Saintes-Maries-de-la-Mer. Sous le regard de la vierge noire, Mario et Shania vont s’aimer tout en sachant qu’il leur sera difficile de renoncer à leurs racines.
Faure excelle dans ses compositions qui mélangent roulottes gitanes, le port des Saintes, cavalcade effrénée où se mêlent Indiens et gardians. Faure aime cette région aux couleurs et aux paysages incomparables. Son dessin est affiné, précis et détaillé. Ceux qui ne connaissent pas les traditions gardianes, Coupo Santo et aigo boulido entre autres, iront à la rencontre d’un monde qui s’est toujours battu pour conserver son identité. L’anecdote marseillaise des Indiens de Buffalo Bill méritait bien qu’on en tire un album, peuchère.
A noter qu‘en 2006 un spectacle a été joué au festival d’Avignon par Jean Vilane complice de Faure pour l’album. Les textes étaient de Nicole Rieu. Sous le même titre Vilane racontait déjà cette incroyable rencontre entre Indiens et « cow-boys » manadiers.
Camargue Rouge, de Michel Faure et Jean Vilane, Glénat, 72 pages couleur, 15,50 €
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