Radio pirate, ça doit pas vraiment parler à la génération actuelle qui pourtant si elle bénéficie de toute liberté en matière d’émission, de fréquences, de diffusion, de téléchargement, on en passe, le doit en droite ligne à la poignée d’allumés qui ont remis en cause les monopoles nationaux dans les années soixante-dix. Interférences est un peu leur histoire à travers l’action de deux personnages romanesques, Alban et Pablo, qui découvrent, merci les petites anglaises, Radio Caroline qui émet en toute illégalité au large des côtes britanniques. Un symbole mythique Caroline pour ce qui allait devenir des radios libres, mettre la panique dans le petit monde de la politique qui ne voulait pas perdre la moindre bribe de son pouvoir et déjà semer aussi le doute au sein des rédactions de journaux qui se planteront assez vite croyant devoir à tout prix créer leurs propres radios. Laurent Galanchon et Jeanne Puchol ont bâti un récit qui tient la route car possible, bâti sur des divergences de buts, sorte d’historique d’une époque qui verra l’ouverture au final de la bande FM.
En 1978, Alban et Pablo découvrent avec leurs copines anglaises Radio Caroline qui émet depuis un cargo. Une programmation de choc mais illégale. Pablo est pauvre, Alban est d’une famille bourgeoise dont il renie les idées. Devenus étudiants il tombe dans une soirée sur un Anglais qui a travaillé à Caroline, Douglas. Il va être leur maître et monter avec eux Radio Nomade avec I can’t get no en indicatif. Alban demande de l’argent à sa mère, ils mettent une antenne sur le toit et émettent dans l’arrondissement. Portée limitée mais effet garanti. Avec de l’habitude Radio Nomade se crée un auditoire mais est pisté par la police et ses voitures gonio qui recoupent les lieux d’émission. Interview vérité pour Alban, musique pour Pablo et copines pour Douglas, Radio Nomade veut garder son anonymat et Pablo se fait arrêter. Capitaine Teach et capitaine Rackam surnoms des deux garçons continuent jusqu’à une nouvelle arrestation.
Les années Giscard, la peur de livrer les ondes à l’opposition, la pression négative des grandes radios, de Europe à RTL ou RMC, le monopole a finalement éclaté grâce à toutes les radio Nomade. La part romanesque ajoutée par Galanchon apporte le piment nécessaire et astucieux pour accrocher le lecteur à une histoire un peu désormais oubliée. Un côté Zorro, c’est ce qui ressortait de ces expériences spontanées, militantes aussi qui ont donné naissance à de nouveaux grands médias. Pas de place ou infime pour les amateurs et c’est bien dommage. Il y avait un lien certain entre auditeurs et radios libres, la proximité, envie aussi de défier un pouvoir agacé. Jeanne Puchol a bien maîtrisé ce dessin auquel le noir et blanc apporte un petit look et oui rétro.
Interférences, Dargaud, 17,99 €
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