Paul Baron est un type normal. Il homologue les records humains les plus tordus pour le Guide Mondial des records. Paul Baron passe ses jours à vérifier que les prétendants au titre ne sont pas des escrocs. Tonino Benacquista et Nicolas Barral, duo solidaire de Dieu n’a pas réponse à tout, Les Cobayes, ont concocté une aventure qui va rapidement déraper et noircir un tableau qui flirte avec un humour décalé et décapant. Surprise pour Baron qui ne s’attendait pas à avoir ouvert une boîte de Pandore. Rencontré à Lyon BD Festival, Nicolas Barral revient avec ligneclaire sur les extraordinaires aventures de Paul Baron, expert en records en tout genre. Propos recueillis par Jean-Laurent TRUC.
Nicolas Barral, c’est une nouvelle collaboration avec Tonino Benacquista, l’histoire d’un brave type, normal, qui enregistre les records de gens qui veulent leur moment de gloire grâce à un record. Le scénario a spécialement été écrit pour la BD ?
Oui ce sont des gens qui veulent dépasser leur normalité. Benacquista n’a pas adapté un de ces textes. C’est un scénario effectivement original qu’il m’a lu lors d’un de nos rendez-vous amicaux. Il m’a lu le pitch et il m’a dit que ce n’était pas pour moi en rajoutant qu’on avait d’autres choses à faire ensemble. Quand il a eu fini j’étais un peu déçu et le lui ai dit car ça m’avait accroché.
C’était volontaire de sa part, non, de dire que ce n’était pas pour vous, pour vous tenter ?
Peut-être. Il m’a dit tu crois ? En fait on était plutôt sur un nouveau Dieu n’a pas réponse à tout. Cela a donc décalé les choses. Il avait déjà les grandes lignes de cet album.
Le héros travaille pour le Guide Mondial des records.
C’est un homologueur. Il s’occupe des records humains et cela lui pèse de prendre en charge ceux qui échouent. Il a de l’empathie pour les gens jusqu’au jour où il reçoit un message alarmant d’un personnage qui veut battre un record de meurtres.
Benacquista vous livre un scénario complet ?
Ce n’est pas vraiment un scénario qu’il me remet. Ce n’est pas un découpage précis, plus une continuité écrite proche d’un scénario de cinéma. Donc il y a un travail de ma part d’adaptation. Quand il y a une idée de mise en scène il l’indique. Ou quand une image doit finir une page.
Et pour le dessin des personnages ?
Baron devait être un type normal au physique banal. J’ai fait des croquis et un peu comme un metteur en scène de cinéma je réfléchis à des acteurs possibles. Un casting. Plus le temps passe plus je considère mes personnages comme des comédiens de papier. Il fallait montrer des sentiments plus nuancés pour Baron. J’ai eu plus de mal cette fois à déterminer le physique de ce personnage. Et sur Arte est passé une série anglaise, Wrong Mans, d’espionnage un peu loufoque et il y avait un personnage qui collait bien.
Benacquista donne son avis sur le physique ?
Non. Pratiquement jamais. Je ne fais pas vraiment d’esquisses préparatoires donc il découvre les personnages avec les pages. Il est tombé amoureux d’Agnès la copine de Baron. Il ne fallait pas une femme fatale mais attachante.
Vous avez toujours le petit truc qui fait sourire. Même le méchant a un air presque sympa.
Il avait une grande idée et il s’est heurté à la bêtise humaine. Il en a été blessé. Il devient une victime qui transforme son projet initial en projet fou.
Un homme banal avec des gens ordinaires qui font des choses extraordinaires. Vous vous-êtes amusé ?
C’est un exercice de style compliqué que m’a demandé Tonino. Il le dit lui-même avec un poil de culpabilité. Dans la passage des dominos qui se transforment en cercueil matérialisant l’angoisse que ressent Baron c’est moi qui est trouvé cet angle. Quand Baron rend visite à un paysan qui a écrit la plus longue lettre du monde, je l’ai matérialisé sur le sol. J’ai pris du plaisir à être poussé dans mes retranchements.
C’est un album plus atypique que les Cobayes ?
On n’en est pas très loin mais il y a plus d’humour dans celui-là. Les personnages sont moins sérieux.
Il y a des moments graves pourtant. Ce n’est pas une comédie en permanence ?
On est dans un registre qui colle avec mon dessin naturaliste ou réaliste expressif. Je pars de là et en fonction du décalage proposé par le scénario je vais plus ou moins tirer vers la caricature. On est sur la corde raide sans trop délirer pour rester crédible avec des sentiments plus graves. C’était la difficulté par rapport aux Cobayes.
Humour, comédie et sentiments, Baron s’enquiquine un peu et d’un seul coup il explose en vol.
Tant mieux. Ce que j’aime dans Tonino c’est qu’il me propose des sujets qui sortent du cadre classique de la BD. On parle de l’époque, on n’est pas dans la BD de genre. C’est Monsieur et Madame Tout le monde.
On fait quoi après un album pareil ?
Je vais marcher sur deux jambes. J’ai entamé le troisième Nestor Burma, une chance inouïe de côtoyer Tardi. Le prochain c’est Corridor Champs Elysées pour 2018. Léo Malet ce n’est évident, assez sinueux. Pour Dargaud j’ai commencé un one-shot dont je signe scénario et dessin sur la dictature au Portugal. On est en 1968 sous Salazar. C’est le moment où il a son accident vasculaire et c’est un moment charnière pour le Portugal. Le titre sera Sur un air de Fado. On est dans le tragique. J’avais envie de raconter une histoire pour adulte. J’ai fait déjà quinze pages.
Pourquoi le Portugal sous dictature ?
On sent aujourd’hui le retour du populisme et du nationalisme. Je me suis interrogé sur quelle aurait été mon attitude au Portugal ces années là, sous l’Occupation ou si on basculait sous un régime totalitaire. Ma femme est portugaise. J’ai épousé le Portugal si je puis dire donc j’ai travaillé sur le sujet, j’ai lu des auteurs portugais. Je me suis fait une petite culture et j’aimerai trancher, savoir comment se comporter. Je pense qu’il est facile de ne rien faire dans ce genre de situation, se laisser porter. L’histoire parle du moment de la bascule, à quel moment on arrête d’accepter.
Et Dieu au fait ? Il va à nouveau avoir réponse à tout ?
Tonino a commencé à écrire. Il a écrit deux nouvelles, une sur La Callas et l’autre sur Michel Audiard. Pour un nouveau Philippe et Francis ça viendra aussi mais cela me demande une énorme énergie.
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