Une chronique familiale, politique, sociale, religieuse mais avant tout, sûrement, une histoire d’amour. Saïd est né au temps « béni des colonies » au début des années trente où un Arabe d’Algérie était français. Enfin presque. Michelle a dix ans de plus que Saïd. C’est le printemps des barricades de mai 68 qui va les unir. Leurs combats seront ceux de l’époque, liberté, féminisme, avortement, mais il y aura scission. La Prof et l’Arabe est le témoignage graphique sur le peuple de gauche de la fin du XXe siècle dont les attentes et les espoirs sont aujourd’hui battus en brèche et dépassées. Pierre Maurel au dessin et Dominique Laroche réussissent à transcender leurs personnages auxquels on croit et on s’attache.
L’Algérie en 1940 est un département français. Saïd va à l’école. Son frère part travailler en France. Saïd s’interroge sur l’indépendance de son pays, la guerre possible mais lui aussi doit partir à Paris pour subvenir aux besoins de sa famille. En banlieue nord, Michelle Joly fait de la résistance dans on école en ce début des années cinquante et a une sœur plus branchée qu’elle. Leur père est comptable dans une usine. Arrivée à Paris, Saïd qui sait écrire et lire aide ses compatriotes à rédiger leurs courriers. En 1954 les évènements d’Algérie vont remettre en question le travail de Saïd. Le FLN recrute parmi les Algériens immigrés. En 1958 Saïd est appelé sous les drapeaux et c’est en Algérie qu’il est affecté, en pleine guerre
C’est beaucoup plus tard que Saïd et Michelle vont se rencontrer. Elle aura vécu le coup de Prague et l’invasion soviétique en Tchécoslovaquie où elle voit Saïd pour la première fois. La suite, c’est un beau roman et une belle histoire jusqu’à un certain point. Michelle devient prof. Saïd est syndicaliste. La religion musulmane revient dans sa vie, Rushdie est jugé blasphématoire. On lui refuse la nationalité française alors qu’il a « fait » dans l’armée la guerre d’Algérie. La Prof et l’Arabe est construit sur une histoire vraie dont les héros ont validé, éclairé les textes. Toute la complexité de cette double appartenance, d’une culture partagée, d’une religion exigeante, de remises en cause et d’échecs sociaux, Pierre Maurel les fait passer dans son dessin très clair mais aiguisé comme les textes sobres et pesés de Dominique Laroche. On se sent plus que témoin de cette aventure touchante.
La Prof et l’Arabe, Casterman, 20 €
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