La Commune de Paris en 1871 reste comme l’un des évènements les plus à la fois controversé et mythique, révolutionnaire de notre histoire. Il n’y a généralement pas de juste milieu quand on évoque la Commune. On est pour ou contre, sa vision en est souvent faussée ou idéalisée. La répression sera terrible contre le peuple de Paris, Thiers et les Versaillais ne pouvant supporter une telle remise en cause de leur pouvoir au prix d’une guerre civile en pleine capitale. En évoquant dans Des Graines sous la neige le personnage de Nathalie Lemel c’est à une femme d’exception, de courage et de foi que Laëtitia Rouxel et Roland Michon rendent hommage avec une vraie rigueur. Beaucoup moins connue que l’emblématique Louise Michel dont elle était l’amie, Nathalie Lemel a vécu presque cent ans de 1826 à 1921. Autant dire qu’elle aura connu la bascule du siècle, le passage d’un monde où les femmes étaient méprisées aux débuts du féminisme après la grande guerre. Et cela en partie grâce à des femmes de conviction comme elle.
Elle est bretonne Nathalie et s’inquiète en ce milieu du XIXe siècle des bagnards évadés à Brest où vont se dérouler de grandes manifestations ouvrières. Jeune femme elle se politise. En 1848 la révolution échoue, on déporte à Cayenne. Elle part à Quimper et l’Empire s’installe. Napoléon le petit, elle ne l’aime pas Nathalie. Départ pour Paris et elle travaille chez un relieur. Et continue ses activités politiques, se bat pour que la femme ait des droits, sacrifie sa vie familiale. Elle mène une grève et rencontre Eugène Varlin dont elle sera proche. Supprimer les classes, c’est le mot d’ordre. Arrive la guerre de 1870, la France perd la guerre et la censure s’installe. On désarme Paris, la Garde Nationale refuse d’obéir. Le 28 mars la Commune est proclamée. Paris est le « bivouac de la révolution ». Les femmes sont en première ligne. Elles vont le payer cher.
On sait comment la Commune finira. La province ne se sentira en rien concernée par le tremblement de terre parisien. Nathalie Lemel passera sept ans déportée en Nouvelle-Calédonie avec Louise Michel. Elle sera allée au bout de ses idées. On la suit des barricades à la relégation puis à son retour à Paris. Elle n’a pas laissé d’écrits, discrète. L’album de Laëtitia Rouxel et Roland Michon est d’autant plus passionnant qu’il lui redonne vie, personnage entier, jusqu’au boutiste, courageux, utopique aussi. Une biographie historique et bien menée, qui rend compte aussi de l’intransigeance du personnage qui n’a jamais dévié de ses idées et de ses idéaux.
Des Graines sous la neige, Locus Solus, 20 €
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