Jean-Michel Dupont avait obtenu le Prix des Libraires avec Mezzo pour Love in vain en 2015. Pour son western au pays des terrils, il est accompagné par Vaccaro. Dans les Gueules rouges (Glénat) un jeune garçon fils de mineur verra son destin bouleversé par le passage dans sa ville du grand cirque de Buffalo Bill. Deux mondes et deux cultures se télescopent en ce début du XXe siècle. Jean-Michel Dupont est revenu avec ligneclaire sur l’origine de cette épopée originale et romantique. Propos recueillis par Jean-Laurent TRUC.
Jean-Michel Dupont, comment avez-vous eu l’idée de cette histoire atypique ?
Au départ l’idée vient de moi. Je suis tombé sur un article. Je savais qu’il y avait eu en 1905 une tournée du cirque de Buffalo Bill et qu’il était passé à Valenciennes. Ils ont fait toutes les villes de France même les plus petites, cent treize au total. Le Valenciennes de l’époque était très classique, un peu sur le modèle de l’architecture belge flamande et y imaginer les Indiens du cirque cela donnait un décalage phénoménal. Pour les gens de l’époque, c’est comme si nous on voyait débouler des extra-terrestres. Très vite il y a eu aussi l’idée d’un western dans les corons et les terrils, des paysages que je connais bien et dont l’esthétique était très western.
On a donc Les Peaux-rouges et les mineurs. Comment avez-vous formé ce tandem avec Vaccaro ?
J’avais écrit le scénario et ce n’est qu’ensuite qu’on a cherché le dessinateur. Certains n’étaient pas libres. Mezzo m’a parlé de Vaccaro. Il a un trait charbonneux qui pouvait bien aller avec l’ambiance, un dessin très poétique, effectivement très noir. L’histoire était très précise. Je travaille case par case. Ensuite le dessinateur intervient si besoin. Mais cela n’a pas beaucoup changé en fait par rapport au scénario original.
On a Buffalo Bill, la mine avec des enfants qui travaillent au fond, la laïcité, un environnement social fort.
C’est à partir de l’idée de base que je vois comment raconter le contexte. Il y a bien sûr la réalité historique, la passage de Buffalo Bill et ce qui se passe en 1905 dont les grandes luttes sociales incarnées par certains personnages ou le père qui accepte, lui, son destin de mineur et va l’imposer à son fils. Le syndicalisme devient ensuite plus radical.
Il y avait combien de mineurs dans le Nord au début du XXe siècle ?
Lens et Valenciennes étaient les grands centres avec plusieurs milliers mais c’est difficile de le dire exactement. La population était très importante. Il y avait la figure du mineur, le soldat du progrès, une fierté qui ressort dans l’histoire que je n’ai pas inventée. Ils servaient leur pays.
Deux populations qui se rencontrent, ce n’était pas évident à mettre en œuvre les critères d’un western.
A partir du moment où c’est improbable mais plausible… Il y a un roman américain qui raconte l’histoire d’un Indien à Marseille malade, qui est resté bloqué. Il y a deux intrigues dans l’album, la gamin qui n’est pas fait pour devenir mineur et l’arrivée de Buffalo Bill qui incarne ce qu’il recherche, l’ouverture vers les grands espaces, l’évasion. Le gamin est victime du déterminisme social de l’époque. L’arrivée du cirque lui ouvre une sorte de quête initiatique qui va déterminer son avenir. Son père est un obstacle. Il était important que le fils reprenne le flambeau pour assumer la relève au cas où le père disparaisse dans la mine. Le jeune garçon va retourner à la mine au moins provisoirement. Un an après le passage du cirque plusieurs centaines de mineurs meurent dans une catastrophe. Cela fera changer d’avis son père.
Vous avez eu du mal à trouver de la documentation ?
Non, il y a une grosse documentation aussi bien sur la tournée que sur la mine. Je me suis basé sur le programme du cirque. Buffalo Bill est un peu en retrait. Il y a eu un basculement chez lui. Ce n’est pas un tueur d’Indiens. Son père était contre l’esclavage et a été assassiné pour cela. Il a été obligé de travailler très jeune sur les voies postales, Pony Express, puis éclaireur. Mais c’est comme tueur de bisons pour nourrir les employés des chemins de fer qu’il a été connu. Il a en a fait ensuite un spectacle. C’est la même époque que Barnum. En fait Buffalo Bill rencontre un journaliste qui en fait une vedette de récits romancés à succès. Et il s’est identifié à son personnage. Le grand mérite de Buffalo Bill, c’est de faire connaître la culture indienne qui disparaissait. Sitting Bull a participé au cirque.
Les deux Indiens du récit sont un peu décalé dans le cirque ?
Ce sont des objets de curiosité mais ils sont fiers de montrer leur culture. Et j’avais aussi envie de parler du problème indien comme de l’univers de la mine. Une sorte de fierté commune. C’est un hommage aux deux, ce sont deux populations qui ont été opprimées. Le Indiens d’Amérique ont été victimes d’un vrai génocide.
Après la mine, quels sont vos projets ?
Une biographie de Jane Mansfield avec Denis Sire chez Glénat, le côté ange déchu de l’actrice. Avec Mezzo on travaillera sur une histoire à travers la musique et le personnage de Jimmy Hendrix qui permettra de raconter de superbes univers musicaux.
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