Du rififi chez les auteurs Casterman qui menacent de se faire éditer ailleurs : lettre ouverte à Gallimard

Crise ouverte chez Casterman, désormais propriété de Gallimard avec le rachat de Flammarion dont fait partie l’éditeur de BD. Après le récent départ de Louis Delas, directeur de Casterman, ce sont les auteurs qui se sont manifestés dans une lettre ouverte à Antoine Gallimard contre son absence de transparence.

Objectif Lune
Les albums de Tintin sont chez Casterman

Dans cette lettre on parle « d’inquiétude, d’instrumentalisation en vue d’un transfert capitalistique, de consternation devant le départ de Louis Delas artisan du redressement ». Une lettre signée par déjà les plus grands noms de Casterman comme Enki Bilal que nous avons contacté, parlait « du mépris avec lequel les auteurs étaient traités depuis le rachat, l’absence de relations humaines, le besoin de solidarité entre auteurs ».

En clair de Bilal à Loisel, Tardi, Geluck, Fanny Rodwell ayant droits d’Hergé, Loustal, Peeters ou Patrizia Zanotti ayant droit de Pratt, c’est une menace bien réelle de ces auteurs réputés d’aller se faire éditer ailleurs. Et dès lors la pépite Casterman que Gallimard aurait la tentation de revendre perdrait beaucoup de sa valeur. Plus de Tintin, de Corto Maltese, entre autres ? « Pas d’éditeur sans auteurs », telle est la conclusion de la lettre ouverte dont voici le texte complet et les signataires.

Sans auteurs, pas d’éditeur !

Lettre ouverte à Antoine Gallimard.

Monsieur,

Nous, auteurs des Éditions Casterman avions accueilli avec intérêt, voici quelques mois, l’idée d’un rachat de Flammarion/Casterman par Gallimard. Cette solution, venant d’un éditeur respectable, ne pouvait que nous séduire.

Julia & Roem
Bilal, un autre auteur de poids de chez Casterman

Le 6 juin, c’est avec beaucoup d’inquiétude que nous avons découvert dans “Les Échos” votre déclaration annonçant que, même si Casterman était “un joli joyau”, Gallimard pourrait être contraint, “dans un contexte de crise”, de le vendre pour faire face à ses échéances.

Pendant les semaines et les mois qui ont suivi, rien n’a été fait pour nous rassurer. Aucun contact n’a été pris avec nous, ni individuellement ni collectivement. Aucun projet éditorial ne nous a été présenté.

Le 8 novembre, nous avons appris brutalement, et avec consternation, par une dépêche AFP, la démission de Louis Delas et la situation qui l’y avait contraint. Depuis plus de douze ans, il était l’artisan du redressement et du développement de la maison Casterman. Chacun de nous avait appris à lui faire confiance, ainsi qu’aux équipes qu’il avait su réunir autour de lui.

Aujourd’hui, devant le mépris dont les auteurs Casterman font l’objet de votre part, nous avons le triste sentiment d’avoir été instrumentalisés en vue d’un transfert purement capitalistique. Nous n’avons, ni l’envie de nous compromettre dans un projet qui ne nous ressemble pas, ni l’intention de servir de “vaches à lait” à une quelconque trésorerie.

Si par hasard vous avez oublié que sans auteurs, il n’y a pas d’éditeur, nous vous le rappelons aujourd’hui. Et c’est sous d’autres cieux éditoriaux plus amicaux que certains d’entre nous publieront sans doute leurs prochains albums.

À moins que…

Enki BILAL, Jean-François et Maryse CHARLES, Didier COMES, Philippe GELUCK, Dominique GRANGE, Benjamin LEGRAND, Régis LOISEL, Jacques de LOUSTAL, Franck MARGERIN, Benoît PEETERS, François SCHUITEN, Fanny RODWELL (Ayant droits d’HERGE), Benoît SOKAL, Jacques TARDI, Patrizia ZANOTTI (Cong/Ayant droits d’Hugo PRATT)…

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