On avait adoré le Lucky Luke de Bonhomme qui avait su donner d’un trait en profondeur et inspiré, force et souffle, âme à une vision beaucoup plus noire des aventures équestres du célèbre cow-boy. L’album de Bouzard est lui-aussi à classer parmi les grands moments accordés par des auteurs talentueux, innovants à une saga qui finalement peut se décliner sous bien des formes. Bouzard, avec affection, on le sent, et une connaissance pointue de Morris a revisité son univers. Dans Jolly Jumper ne répond plus, il joue sur les codes, y ajoute une dose savante de surréalisme et d’humour décalé. On comprend tout le désarroi du héros solitaire perdu sans les liens affectifs qui le relient à son alter ego, un autre lui-même, son fidèle ami aux abonnés absents et ne parle plus. Un drame en direct cet album mais Lucky Luke ne serait-il pas un brin schizophrène ? Allons bon voilà autre chose.
Il y a urgence. Lucky Luke doit aller retrouver ses copains les Dalton qui, non, ne se sont pas évadés mais dont l’un d’eux, Jack, a entamé une grève de la faim et ne veut parler qu’à Luke. Ce même Luke est très ennuyé car Jolly Jumper lui fait la gueule et ne lui parle plus. Incompréhensible ? Une rupture qui est sur le point de se consommer entre le couple le plus connu du wild wild west. Il en a marre Luke mais il va quand même essayer de le surprendre le Jumper et sur les conseils du gouverneur change de look. Chemise rouge et foulard jaune, il est pimpant belle mèche mais Jumper continue à bouder et Luke disjoncte, décharge son Colt sur le canasson rebelle. On se rassure. Jolly Jumper n’est pas touché mais Luke quand il arrive au pénitentier, à pied et en chemise rouge, n’est pas reconnu aussi bien par le directeur que par le personnel. Et les Dalton. Faut pas toucher à l’uniforme quand on est un mythe. Retour de Jumper et à la case départ. Ma Dalton a été enlevée. Luke va escorter les frères terribles à un rendez-vous mystérieux pour tenter de la libérer.
A lire avec attention ce Lucky Luke par Bouzard. Un feu d’artifice de références, de petits liens qui font un gros tout, des détournements en tout sens et en tout genre, un florilège de dialogues drôles et savoureux, une forêt d’idées saugrenues à se demander si ce Bouzard n’est pas un peu bizarre mon cher cousin. Il tient le rythme sans fausse notes, fait ressembler Averell à Depardieu, suggère que Jolly Jumper recrache les suppositoires, ressuscite Phil Defer et Jack Palance, le docteur Doxey en plus convivial et rend sourd Luke qui, enfin, retrouve l’affection de son intrépide compagnon. Un joyeux iconoclaste Bouzard, on peut le dire qui ose tout mais avec affection et talent. Comme il est vraiment doué (on le savait), il lui est déjà beaucoup pardonné. Bravo.
Les Aventures de Lucky Luke d’après Morris, Jolly Jumper ne répond plus, Dargaud, 13,99 €
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