On vient de l’apprendre. Marcel Gotlib est parti. Il nous a quitté à l’âge de 82 ans. On n’y croit pas. Il avait gardé cette fraicheur juvénile, cet humour qui avait bercé aussi bien les années Pilote que celles de Fluide de générations de lecteurs. On le croyait immortel. Il va nous manquer.
Les Dingodossiers, la Rubrique-à-Brac, un délire hebdomadaire qui l’on retrouvait parmi les autres piliers de la BD, ces auteurs désormais classiques qui ont eu la mauvaise idée de nous quitter. Giraud, Charlier, Hubinon, Morris, on en oublie et puis voila, Gotlib aujourd’hui. En juillet dernier L’Express consacrait un numéro spécial à Gotlib. Voila ce qu’on en disait : Marcel Gotlib, pour ses « vieux » lecteurs, c’est Pilote et les Dingodossiers. On peut difficilement aujourd’hui appréhender le choc culturel provoqué par ces dossiers sur des esprits tendres mais ouverts, nourris à Lucky Luke, Tintin, Spirou, Blueberry, Astérix et autres classiques. De quoi ? Un auteur taquin et rebelle qui avec Goscinny (le même que le Gaulois ? Ah bon.) se lance dans un délire total qui fait mouche et que, d’une semaine sur l’autre, on attend comme un souffle nouveau. D’accord, ça n’a pas fait comme le rappelle Gérard Viry-Babel qui signe un très grand nombre d’articles du supplément, un tabac immédiat. Mais le loup était dans la bergerie. Gai-Luron c’était dans Vaillant en 1964. Pas le même lectorat. On le découvrira plus tard. Sa reprise par Fabcaro est un bonheur.
Gotlib s’était aussi raconté dans J’existe. J’existe, je me suis rencontré, Gotlib a repris et détourné le titre du bouquin de Froissard. Lui parlait de Dieu, Gotlib parle de lui. Gotlib est-il Dieu ou un dieu ? Grave débat impossible à trancher mais le futur auteur des Dingodossiers raconte dans sa biographie et en détail, sa famille, son enfance, enfin disons grosso modo les vingt premières années d’une vie mouvementée et qui ne cessera de l’être. On le suit d’abord galopant puis caché, sans regret, toujours avec cette fausse désinvolture qui va le caractériser, pudique, alors qu’on le prendra plus tard pour un redoutable iconoclaste. Au hasard, l’un des ses chapitres est titré une vie de dingue. Dingodossiers ? Il a même serré la main du général de Gaulle. Gotlib écrit bien. Dessiner ou scénariser on savait. Mais son côté souvenirs d’enfance à la Pagnol (un compliment) en plus tragique, non, on ne s’en doutait pas. On savait par contre, pour la génération Pilote, celle des années soixante à soixante-dix que Gotlib pouvait déclencher le rire en maniant le non sens avec un professeur Newton ou la coccinelle. Ce qui exaspérait les parents quand ils lisaient par hasard Pilote piqué à leurs enfants. À la fin de sa biographie il y a des planches où il se met en scène. Il faut les savourer.
Gotlib existe et je l’ai rencontré à Nîmes avec Tibet, Uderzo. Aucun rapport ? C’est vrai mais c’est un beau souvenir. On ne se trompera pas quand on dit de lui que c’était un honnête homme au sens le plus vrai du terme , bourré de talent, un maître sympathique et un type humain, un très bon écrivain enfin. Dieu, vous dites ? Faut voir. JL TRUC
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