Machine arrière, le 15 janvier 2004, le chalutier Bugaled Breizh coule en mer avec cinq marins à bord. Il est basé à Loctudy en Bretagne et le patron a juste le temps de dire qu’il chavire. Depuis, même si le chalutier a été renfloué, un mystère demeure sur la cause du naufrage ce qui n’arrange en rien la justice française ni vraisemblablement l’état. Car c’est certainement un sous-marin qui est à l’origine du drame. Pour aller à la rencontre de cette tragédie qui ne doit pas tomber dans l’oubli, Pascal Bresson et Erwan Le Saëc au dessin (Entre Terre et mer) ont mis sur la piste un vieux journaliste, un de ces routiers de l’info capable d’écrire sur n’importe quel sujet avec talent, une fouine qui creuse en profondeur Mais tout est vrai dans cette enquête approfondie menée avec le sens du détail et objectivité.
Le 15 janvier 2004, on pêche au large des côtes anglaises de Cornouailles. A bord de l’Eridan arrive un message de détresse du Bugaled Breizh. Il chavire mais donne sa position avant de se taire. Dans le ciel un curieux hélicoptère vole non loin du site. L’Eridan qui a vu un sous-marin en surface arrive trop tard. Le Bugaled a coulé et seul un canot de survie rouge flotte à la dérive suivi d’un autre orange au nom du Bugaled. Les cinq marins sont introuvables malgré les secours mis en œuvre. L’affaire du Bugaled commence et Arthus Bossenec, pour sa dernière enquête, est bien déterminé à découvrir la vérité sur les causes réelles de la catastrophe malgré les pressions des autorités dont celles de la Marine française. Un problème de chalut ? Impossible. Un cargo qui aurait percuté le chalutier ? Les radars l’auraient vu. Un juge d’instruction finit par accepter que l’on renfloue le bateau. La piste du cargo ressurgit mais s’efface vite. L’affaire est reprise par tous les médias. Bossenec réunit tous les témoignages et au final c’est l’hypothèse d’un sous-marin pris dans les câbles du chalut qui aurait entraîné au fond le Bugaled. Mais de quelle nationalité et pourquoi ce silence d’état ? L’enquête est toujours en cours car les familles, à juste titre veulent savoir.
On lit comme un polar cette quête de la vérité avec ses invraisemblances ou contre-vérités, ses doutes, ses manipulations dont la part romancée, la vie tourmentée du journaliste, alimente la fluidité du récit, renforce l’intérêt du lecteur. L’important ce sont les faits comme on dit et rien que les faits. Les preuves ne sont pas au rendez-vous pour le moment. A qui profite le crime en fait ? Tout est là. Pourquoi avoir d’abord voulu étouffer l’affaire, dédouaner la Marine et tenter d’impliquer un cargo ? De l’hélico au sous-marin inconnu, aux traces sur le Bugaled Breizh, c’est un casse-tête qui mérite une ou des réponses avant que le temps qui passe, impossible pour les proches des maris, ou le désintérêt, une actu en chasse une autre, ne fasse son boulot. Le travail des deux auteurs en 144 pages de ce roman graphique pose des jalons, des repères qui font acte de mémoire de façon probante.
Bugaled Breizh, 37 secondes, Locus Solus, 20 €
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