C’est un narrateur imaginaire mais qui a peut-être plus de vie et de chair que bien des personnages réels, passées ou présents. Joseph Wallace est photographe. Il rejoint l’expédition Walker et Jackson en 1867 à Saint-Louis. Thierry Murat lui a inventé un destin et non des moindres. Wallace va tomber sous le charme des Indiens qui sont déjà mis sous tutelle par les Américains bon teint, avides de territoire et de civilisation à tout prix au mépris de toute culture locale. Étunwan, celui qui regarde est un superbe ouvrage, riche aussi bien graphiquement qu’en émotion.
Quand il s’embarque dans une expédition qui doit recenser ce qu’il y a encore de sauvage et d’inconnu à l’Ouest, au delà de Westport, c’est un territoire vierge et primitif que découvrent les savants. Wallace le photographe se lie d’amitié avec Herman Greenstone, ethnologue, qui parle un bon nombre de dialectes et l’initie. Ils vont être attaqués par des Indiens qui en ont marre que les troupeaux de bisons soient décimés pour laisser passer le chemin de fer. D’immenses forêts, de nouveaux paysages, Wallace rencontre un jeune indien. Il est désormais celui qui sait dessiner la forêt avec ses yeux. Wallace revient à Pittsburgh et repart vite avec Les Fleurs du mal dans ses bagages. Un voyage au bout de lui-même, il s’installe chez les Indiens et s’intègre, tombe amoureux d’une squaw. En six mois il fait deux cents photos avec l’espoir de publier un livre illustré sur les Indiens pour qui d’invités les hommes blancs sont devenus propriétaire. Wallace va détruire tout ses clichés quand il constate que d’autres l’ont devancé avec leurs photos.
Une leçon et une histoire, celle d’un paradis perdu laminé par cette fameuse civilisation toute puissante et destructrice. Thierry Murat signe un album très fort, au découpage large et puissant, sur un dessin aux teintes sombres, à contre-jour, sans fioritures. Il y a beaucoup d’intelligence dans le propos de Murat, d’authenticité et évidemment de passion.
Étunwan, celui qui regarde, Futuropolis, 23 €
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