Même plus de cinquante ans après la fin de la guerre d’Algérie, en parler n’est pas si simple. Guerre sans nom, sur un territoire français au moins dans les statuts, guerre d’appelés qui ne comprennent pas souvent pourquoi ils se battent, guerre coloniale enfin face à un peuple qui revendique les armes à la main son indépendance, le conflit algérien est l’une des pages les plus complexes de l’histoire de France. En lisant l’adaptation du récit d’Alexandre Tikhomiroff par Gaétan Nocq on reste confondu par l’authenticité des propos. Pas d’emphase ou volonté de choquer, les faits bruts, le ressenti vrai, le constat en forme de témoignage et de reportage, on voit les pages défiler comme autant d’instantanés pris sur le vif que le dessin de Nocq matérialise sans défauts.
Tiko est appelé en Algérie en novembre 56. La France et l’Angleterre s’embarquent pour la crise de Suez. On peut se douter que tous les appelés ne se sentaient pas vraiment concernés par une guerre dans un pays qu’on disait être la France mais où ils n’avaient jamais mis les pieds. Formation à Cherchell, école d’officiers, Tiko reste soldat et découvre l’armée, grandeurs et servitudes militaires, les copains, les chefs et au passage les rebelles, les fellaghas. Tiko est communiste mais au PC à cet époque on demande aux camarades de faire leur devoir. Même si certains d’eux résistent et se retrouvent devant un conseil de guerre. Tiko va découvrir aussi les joies des opérations sur la piste, de la vie de garnison sous surveillance, la hantise des attentats. Il a de l’humour Tiko et quand un de ses copains répond à un officier que l’Algérie on ferait bien de la vendre, il rigole.
Ceux qui rigolent moins ce sont les Algériens des mechtas incendiées ou les pieds-noirs des fermes avoisinantes. A Alger se joue une autre bataille. Tiko passe au mess des officiers, serveur et il s’en met plein les oreilles. La guerre psychologique c’est pour maintenant. Quant au sergent taré, il y en a au moins un. Retour à Paris après 27 mois d’Algérie mais ce n’est pas fini. L’OAS, le putsch, les manifestations, Tiko sera en première ligne. Il reviendra plus tard avec ses enfants en Algérie.
Une grande sensibilité, d’objectivité dans le récit. Le trait de Nocq ajoute à la sensation d’épreuve au quotidien que vivent les appelés malgré le côté parfois bon enfant d’une vie militaire sans passion. On sent aussi la peur, l’angoisse, l’incompréhension. Gaétan Nocq dont c’est le premier album a réussi en tout point à montrer la réalité de cette guerre que l’on a choisi souvent d’oublier.
Soleil brûlant en Algérie, La Boîte à bulles, 20 €
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