Il y a une histoire dans l’histoire. Jack London s’est en fait largement livré dans Martin Eden qu’Aude Samama et Denis Lapière viennent d’adapter. Un marin bourlingueur qui décide qu’il sera écrivain et apprend, jour après jour, ce qu’est la culture ou ce qu’il pense l’être, ses règles, ses devoirs, Jack London n’a jamais cessé de raconter ses vies et en est devenu l’un des plus grands auteurs américains. Un combat de chaque instant et une croyance absolue en son destin, même le pire, c’est cela Martin Eden.
Invité chez des bourgeois par celui à qui il a sauvé la vie dans une rixe, Martin Eden, marin sans attaches et sans instruction, va faire la conquête de la fille de la maison, Ruth, mais surtout, grâce à elle, découvrir la poésie. Eden va passer désormais ses jours et ses nuits en lecture, pillant la bibliothèque d’Oakland. Tout y passe, philosophie, sciences, art, romans. Amoureux de Ruth, Martin revoit la jeune femme qui lui offre une grammaire. Martin, proche du socialisme, se met à écrire et envoie ses articles à tous les journaux du coin tout en courtisant Ruth. Il décide de travailler dans le nettoyage du linge mais revient vers Ruth pour se remettre à écrire avec un style plus épuré. Le succès est bientôt là malgré la trahison de Ruth.
La fuite en avant de Martin Eden est bien sûr celle de London. Ils auront la même fin, ou du moins celle de Eden préfigurera celle de London. Aventurier, chercheur d’or, solitaire et définitivement socialiste, London-Eden est un personnage qui a fait le tour de la vie, du succès, de l’argent et en prend acte. Cette adaptation de Denis Lapière est posée, claire et sereine. Les étapes sont soulignées par les beaux coups de pinceau de Aude Samama (A l’Ombre de la gloire) qui fait de chaque case un tableau pratiquement indépendant des autres et à la force tranquille. Un récit doux, ce qui est paradoxal, face à la violence que ressent Eden.
Martin Eden, Futuropolis, 24 €
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