Attention, pas de méprise. Certes, le tournage de films pornographiques est bien la toile de fond de cet album nerveux et violent que signent Noël Simsolo au scénario avec Dominique Hé au dessin. Mais voyeurs s’abstenir. Pornhollywood (Glénat) est un polar au sens classique du terme. Noël Simsolo, un fou de cinéma, réalisateur, comédien, historien du 7e art, a décliné son histoire comme un long-métrage aux nombreuses références. Il a donné la caméra à Dominique Hé qui décline toutes les facettes de sa très riche ligne claire. Propos recueillis par Jean-Laurent TRUC. Cet article est aussi publié dans le numéro de janvier du magazine ZOO.
« Le cinéma porno est aussi vieux que le cinéma lui-même ». Noël Simsolo est catégorique. « Je voulais travailler sur le thème du cinéma que je n’avais jamais associé à la BD ». D’où ce choix mais pas question de faire une BD pour adulte. A l’origine du projet avec Simsolo (Docteur Radar), il y a Frank Marguin, éditeur chez Glénat. Ils privilégient le thriller dans lequel il y aura bien des nus mais sans la moindre pornographie visuelle. Pornhollywood se passe au début des années trente à Los Angeles. Un jeune réalisateur talentueux, Jim Jewsky, avait trop de génie pour les Tycoons de la Paramount. Viré des studios, Jim n’a plus que le tournage de films pornos pour vivre. Pour faire plus de fric, il emploie des sosies des stars du moment. Mais un patron de la mafia va avoir besoin d’un service pour compromettre un candidat au poste de gouverneur. Et quoi de mieux qu’un film porno pour écarter le gêneur.
Au duo du départ de Pornhollywood Simsolo-Marguin, vient vite s’ajouter le dessinateur Dominique Hé. « J’avais rencontré Dominique il y a dix ans », se souvient Simsolo. « On s’est revu ensuite et on a convenu que l’on travaillerait ensemble. On a réfléchi à comment aborder cette histoire avec Frank. Soit on faisait un roman graphique pas vraiment réaliste, soit on travaillait en ligne claire pour coller à l’esprit cinéma du projet et dans ce cas le dessin de Dominique Hé s’imposait ».
Dominique Hé (Sophaletta, Secrets bancaires) a parfaitement adhéré au sujet mais « je ne voulais pas que ce soit une histoire porno. De toute façon j’aurais été incapable de la dessiner. J’ai compris que c’était le décor du thriller avec des scènes de nus mais qui suggèrent et apportent des éléments au déroulement du récit ». Un ménage à trois en fait l’élaboration de ce Pornhollywood, dans le sens très professionnel du terme. « On a travaillé en toute liberté », confirme Noël Simsolo et « Frank était le premier lecteur. Quand j’écris je suis très visuel, mon éducation BD sûrement ».
Gary Cooper, Mae West et Von Stroheim
Simsolo et Hé réfléchissent de concert sur le découpage qui peut changer, évoluer. On va trouver dans le tome 1 de ce diptyque, Engrenages, dont le 2 sort en mars, un flic ripoux qui a pour amant le sosie de Gary Cooper, une Mae West qui va payer cher sa ressemblance avec la célèbre actrice, un tueur psychopathe, un maffiosi sentimental, une riche héritière droguée et une belle jeune femme noire qui va troubler Jim, le cinéaste, pour la suite. On y ajoute Eric Von Stroheim, celui de La Grande Illusion, et pas mal de cadavres. On comprend que si le porno peut rapporter gros, il offre aussi des places au cimetière. Noël Simsolo enchaîne les séquences, plans larges ou rapprochés, travellings. « On a refait le story-board ensemble dans cet esprit. Je prépare le crayonné et une fois validé, un détail qui change comme le sourire plus accentué d’un personnage, je passe à l’encrage. La couleur est à l’ordinateur et j’ai travaillé sur des aplats, pour les ambiances qui ressemblent au technicolor de l’époque » résume Dominique Hé.
« On a cherché parfois pendant des heures avec Dominique le bon angle de prise de vue, comme avec un opérateur pour un film. » Intarissable et passionné de cinéma, Noël Simsolo a une belle formule : « Une œuvre c’est l’univers de quelqu’un transcendé par la vision de l’autre en l’occurrence pour Pornhollywood, Dominique Hé ». Un polar où la violence est « sèche ». Les décors de l’album, très élaborés, sont aussi dans la tradition cinématographique de l’époque. Idem pour les références aux grands titres des années trente. Marlène Dietrich et Von Sternberg sont de la fête. « J’ai voulu parler des minorités aux USA. Jim est juif. Il va tomber amoureux d’une Noire, le Klu Klux Klan va intervenir dans le tome 2 qui conclue l’histoire mais laisse une porte ouverte pour la suite, au cas où », poursuit Simsolo.
Dominique Hé a complétement investi le récit, se l’est approprié : « En BD on apprend que l’on fait du cinéma sur papier. Tout se passe dans la même page comme le voulait Simsolo. On sent ce que nous avons voulu dire ». Et c’est vrai que les temps mort sont aux abonnés absents. Pornhollywood a donné aussi l’occasion à Simsolo et Dominique Hé de continuer à travailler ensemble. Au programme, un polar encore, style Clan des Siciliens dans les années cinquante, les débuts d’une nouvelle pègre et le trafic de drogue qui prend le dessus.
Pornhollywood, Tome 1, Engrenages, Glénat, 13,90 €
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