Pour replacer Boxeurs et Saints dans leur contexte on peut conseiller de voir ou revoir Les 55 jours de Pékin de Nicolas Ray avec Charlton Heston. Encore que cette version des évènement, la révolte des Boxers en Chine en 1900, soit largement en faveur des occidentaux et passe sous silence le poids de leur présence sur le peuple chinois à l’époque. C’est du même sujet que traite ce double album en coffret écrit et dessiné par Gen Luen Yang à travers deux visions différentes, celle d’un jeune homme qui va prendre fait et cause pour les rebelles et l’autre celle d’une jeune chinoise convertie au catholicisme. Deux destins pour une même fin, on suit avec beaucoup de ferveur le récit de Luen Yang bien construit, passionnant et dessiné d’une ligne claire très efficace.
En 1898 Petit Bao est un enfant sans problème mais qui aime les divinités mises en scène par le théâtre chinois. Quand Lanterne Rouge, maître en arts martiaux arrive dans son village, Petit Bao devient son élève. Peu à peu et avec l’aide d’une autre sage il apprend le kung-fu et commence à avoir lui-même des disciples souvent révoltés contre le pouvoir donné par Pékin aux britanniques et aux prêtres qui convertissent à tour de bras la population. Sa troupe se nomme Les Poings de justice et fonce bientôt sur Pékin en 1900 pour attaquer les légations étrangères dans la capitale. La révolte des Boxeurs sera sans pitié. La répression des diables au long nez aussi.
Jeune fille au prénom de Quatrième, elle croise par hasard enfant la route de Petit Bao. Quatrième a une vision de Jeanne d’Arc qui, expliquée par un prêtre anglais, la pousse à se convertir au catholicisme. Elle va travailler dans un orphelinat et a désormais un vrai prénom, Vibiana. Pour conserver sa foi elle va combattre les rebelles des Points de Justice jusqu’au sac de Pékin en 1900 où elle retrouve Petit Bao dans des circonstances dramatiques.
Les deux récits se lisent de concert. Deux jeunes Chinois s’affrontent sur fond de religion et de guerre. Quel est le rôle de la femme dans une société totalement misogyne ? Des questions d’une actualité brûlante. Le poids de cette révolte plus ou moins soutenue par l’impératrice Tzu-Hsi est important pour l’avenir de la Chine que les puissances occidentales, France comprise, mettent en coupe réglée. Les Boxeurs seront anéantis, jouet de manipulations très asiatiques, mais aussi victimes de la puissance religieuse des églises européennes. Les deux albums de Luen Yang sont d’une parfaite cohérence, intelligents avec une part romanesque qui colle parfaitement au sujet. Le dessin est lui aussi un élément important de cette réussite.
Boxeurs & Saints, Delcourt, 40 €
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