Étienne Davodau et Benoit Collombat sont partis sur les traces du SAC. Le Service d’Action Civique était le bras armé du parti gaulliste du début des années soixante à celui des années quatre-vingt. Et qui dit SAC dit affaires, manipulations, chantages, dossiers, morts subites, assassinats jamais vraiment élucidés du juge Renaud à Robert Boulin, de butin de braquages destinés à financer le parti politique gaulliste ou à la tuerie d’Auriol en 1981. Dans Cher Pays de notre enfance, Étienne Davodeau et Benoît Collombat ont repris l’enquête sur les « bavures » du SAC, travail minutieux et à charge, sans se voiler la face, ni celle obscure d’une démocratie qui a laissé faire.
C’est le dossier de l’assassinat du juge Renaud qui est la pierre d’angle du travail des auteurs. Renaud gênait, personnage hors normes, grand résistant aux relations dans le milieu lyonnais. Renaud avait compris qu’un parti politique pouvait être financé par des hold-up. Il sera abattu. Si à priori les meurtriers sont connus, jamais les commanditaires n’ont été inquiétés. Le SAC était-il vraiment au centre des extrêmes de la vie politique française pendant plus de vingt ans ? C’est la thèse des auteurs. Et l’affaire Boulin en est un autre exemple. Retrouvé soit-disant noyé dans un étang, le ministre a été selon toute vraisemblance assassiné car lui-aussi gênant et face à une affaire qui le mettait en cause dans l’achat douteux d’un terrain près de Saint-Tropez. L’enquête a été ré-ouverte il y a peu. Mais saura-t-on la vérité ?
A Auriol, le SAC massacre une famille de l’un de ses propres patrons qui aurait eu des velléités de passer à l’ennemi, vers le PS dont Mitterrand a été élu Président de la République en 1981. Ce sera la goutte d’eau de trop. Le SAC va être interdit et dissout. Des exemples moins connus ou oubliés, Davodeau et Collombat les multiplient.
On suit avec beaucoup d’intérêt le travail de fourmis de Davodeau et Collombat qui basent le début de leur enquête sur le retour au pouvoir de De Gaulle en 1958. Coup d’état légal, certes, mais qui a mieux valu que celui que projetait d’autres forces beaucoup moins républicaines. Le témoignage de la fille d’Alexandre Sanguinetti, co-fondateur du SAC à la fin du bouquin, est incontournable. Elle apporte la conclusion que, oui, Boulin est mort parce que lui aussi savait que le RPR était financé par l’extérieur de façon maffieuse. Elle raconte son entrevue avec celui qui, derrière l’ombre du SAC, demeure un grand absent aujourd’hui décédé et qui n’a pas répondu aux auteurs, Charles Pasqua. Avec Foccart, il est celui qui en savait sûrement beaucoup sur le SAC, et pour cause. Dossiers noir de la République, les actions du SAC, au moins sa branche la plus dure, seront-ils un jour vraiment élucidés ? Pas sûr. On n’aime pas en France laver le linge sale politique. Le livre de Davodeau et Collombat a le mérite de rafraîchir la mémoire ou de faire découvrir une réalité oubliée du plus grand nombre.
Cher Pays de notre enfance, Enquête sur les années de plomb de la Ve République, Futuropolis, 24 €
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