Ce n’est pas qu’un procès. Pétain accusé en 1945 c’est l’Histoire de France en marche. En signant Juger Pétain, Philippe Saada et Sébastien Vassant ont à la fois fait acte de mémoire et de journaliste, de chroniqueur, de transmission de témoignage. De 1944 à 1945 la France a vécu une période hors normes dont les séquelles sont toujours là. Reste à savoir comment sera reçu cet ouvrage dont le héros au sens littéraire est sûrement méconnu par les jeunes générations. D’où l’intérêt capital de cette piqure de rappel.
Il aurait pu rester à l’étranger le Maréchal. Il gênait en fait tout le monde en 1945. De Gaulle le premier. Après avoir pendant quatre ans représenté l’Etat Français et la collaboration avec l’Allemagne, le vieux monsieur se retrouvait devant la Haute Cour de Justice où on espérait bien lui faire un sort. Les journalistes sont sur les bancs, des purs, des durs , des grands noms Kessel, Camus, Mauriac. Et les avocats, les siens, qui en le défendant vont souvent se faire un nom en particulier Isorni. Sauf qu’après une unique déclaration le Maréchal Pétain, vainqueur de Verdun, va se taire jusqu’au verdict.
Les témoins, ce sont les politiques de la IIIe République, ceux qui se sont pris une déculottée en 40. L’armistice, les lois juives, la poignée de main avec Hitler, Laval, la collaboration, la zone libre, les rafles, les résistants fusillés, la déportation, la facture est lourde. Et Vichy ? On n’a pas oublié. Pétain c’est une synthèse qui fait la gâteux mais savait. Blum à la barre. On se souvient de Travail, famille, patrie, de la Milice, de la LVF, de la torture par la police française qui rafle au Vel d’Hiv.
Il faudra bien juger, punir, même si on essaye de faire porter le chapeau à l’entourage. En n’oubliant pas qu’en 1940 il y a en France 40 millions de pétainistes. Et Darlan qui a tourné casaque ? Bon. L’affaire est entendue. La défense joue sur que faire d’autre que ce qu’a fait Pétain ? Préserver la France des doryphores, limiter les dégâts, et à quel prix, éviter que la France devienne la Pologne.
Pétain sera condamné par un jury d’anciens résistants. La politique reprend ses droits. Le verdict n’étonne personne, la mort mais la sentence ne sera pas appliquée. De Gaulle a préféré ne pas se mettre une partie de l’opinion contre lui. Les anciens poilus sont très divisés et puis on en est à l’unité nationale retrouvée. Pétain mourra en 1951 à 95 ans sur l’île d’Yeu.
Un très bon travail qui mérite une large diffusion. Sébastien Vassant qui a aussi travaillé sur le scénario avec Philippe Saada rend le récit clair par son trait et son découpage. On montre toutes les facettes d’un monde et d’une époque qui s’éloigne mais pèse encore lourd sur notre présent.
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