Beyrouth malgré tout, l’histoire d’une guerre sans fin

Difficile de coller d’avantage à l’actualité sans vraiment le faire exprès. Beyrouth malgré tout de nos deux consœurs Sophie Guignon et Chloé Domat sur un dessin de Kamal Hakim raconte dans le détail la tragédie libanaise de l’explosion terrifiante de août 2020 qui ravage la ville en passant bien sûr par 1920 et le partage du Moyen-Orient entre la France et l’Angleterre. Depuis le Liban a été une terre sacrifiée avec des hauts et des bas, preuve en est aujourd’hui en 2024 où les bombes israéliennes frappent à nouveau le sud du pays et Beyrouth pour, selon Tel Aviv, éradiquer le Hezbollah qui lui tire ses missiles vers le nord d’Israël. Une guerre sans fin, sans issue, où chaque camp veut la mort de l’autre. Mais il faut en savoir plus, plonger dans ce bouquin très bien fait qui montre que rien n’est simple si ce n’est constater la souffrance d’un pays dont le peuple est l’otage de politiciens sans scrupules et de puissances diverses sans pitié. Le héros malgré lui de cet album est le docteur Sacy médecin libanais dévoué corps et âme à son pays.

Beyrouth, malgré tout Le port explose en 2020, elles y étaient. Le Liban pour les deux journalistes c’est une vieille histoire. Chloé y vit depuis 2010, Chloé est franco libanaise depuis 2017. Elles travaillent pour divers médias, Arte, France 24, RTBF et France 2. On est en 2023 elles arrivent à Beyrouth. Leurs copains les attendent à l’aéroport. Il y a deux heures différentes au Liban. Question très politique. Elles ont rendez-vous avec le docteur Sacy à l’hôpital de la Quarantaine le lendemain. Un brin de désordre mais bien normal dans ce lieu où on soigne tout le monde. L’hôpital avait été détruit par l’explosion du port. Kamal est avec elles. On refait la salle des prématurés. Il y a même un petit bébé poubelle. Son nom dit tout. La crise financière écrase le Liban qui n’est plus depuis longtemps la Suisse du Moyen-Orient comme en 1960. De 1915 à 1918 le Liban fait partie de l’Empire Ottoman. En 1920 partage des vainqueurs du territoire entre France et Grande Bretagne. Liban et Syrie pour la France, Irak, Palestine et Transjordanie pour Sa Majesté. On y ajoute 18 communauté religieuses et on se doute bien que cela ne va pas être de la tarte. Une démocratie qui se veut consensuelle depuis que la France en 1943 donne son indépendance au Liban. Mais le Liban c’est aussi une frontière avec Israël et les réfugiés palestiniens s’y réfugient et prennent les armes contre l’état juif. En 1975 tout commence, un attentat où les milices chrétiennes prennent pour cible un bus de militants pro-palestiniens. Les Phalanges chrétiennes sont à l’œuvre pour le début de la guerre civile libanaise.

La suite c’est un conflit qui alimente les salles de rédaction, sans pause, avec les interventions israéliennes, les 50 paras Français tués dans l’immeuble Drakkar piégé. On s’habitue à cette guerre. Bachir Gemayel président assassiné, le massacre de Sabra et Chatila en 1982, notre angoisse pour une sœur plus là aujourd’hui qui accueille à Beyrouth les chaines de TV francophones en pleine guerre. Des otages mais un retour à la paix en 1990 et les financiers, les politiques qui prennent la main, Hariri. La Syrie s’en mêle car le Liban avait été une province syrienne vers 1500. La pauvreté va gagner du terrain et l’économie s’effondrer. Et voilà que tout recommence en 2024. L’histoire du Docteur Sacy au courage et au dévouement exemplaire aujourd’hui décédé est celle du Liban contemporain, complexe, meurtrière, triste. Un très bon ouvrage au dessin riche, précis ce qui permet d’avoir un vision claire d’un pays où rien ne l’est vraiment.

Beyrouth, malgré tout, Éditions Steinkis, 20 €

Chloé Domat, Kamal Hakim et Sophie Guignon
Une photo des auteurs prise par Olivier Truc dont bientôt sûrement on reparlera pour un album lui-aussi sur le Liban ®
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