Eric Warnauts et Guy Raives ont avec Ciel d’orages, à priori quatre albums prévus, retrouvé Londres sous le Blitz allemand en 1940. Leur héroïne est une pilote des ATA d’origine polonaise. Les bombes, les Spit et les 109 qui s’affrontent dans cette Bataille d’Angleterre qu’il ne fallait pas perdre, les deux auteurs à quatre mains ont signé un album très fort. Une aventure en plein ciel mais pas que, on le verra, ils se sont confiés avec beaucoup d’amitié à Ligne Claire et ont mis à sa disposition de très belles illustrations pour cette interview dont des projets de couverture. Propos recueillis par Jean-Laurent TRUC. (Les réponses sont volontairement transcrites sous leurs deux noms réunis).
Vous avez décollé avec Ciels d’orages. Qui a eu l’idée de choisir le Blitz, la Bataille d’Angleterre comme cadre ?
Eric Warnauts et Raives : Tous les deux avec une appétence pour Londres. Cela faisait longtemps qu’on avait envie de revenir sur la guerre. Depuis la guerre en Ukraine on entend des témoignages qui font échos à ceux de l’époque. Cela a déclenché notre envie de raconter.
Vous parlez de l’Ukraine, de l’invasion russe. Mais dans l’album il y a la Pologne et son histoire en 1939 dont vous parlez. qui ressemble à ce qui se passe en Ukraine. Kate la très belle et charismatique pilote ATA est polonaise. Vous avez fait un récit historico-politique.
Eric Warnauts et Raives : C’est souvent notre cas. On n’a pas fait un truc qu’avec des avions même s’il y en a. Uniquement des avions, cela ne nous intéressait pas. La résistance anglaise oui, leur façon de réagir sous les bombes. On dit qu’ils ont leur classe, leurs lords mais tous sont restés dans la capitale à Londres comme le roi sous les bombes (seuls les enfants ont été évacués NDLR). Quand ce genre de choses arrive tout le monde est touché. Et notre histoire ne se limitera pas à l’Angleterre. L’URSS avait signé un pacte avec l’Allemagne et ils se sont partagés la Pologne en 40. Comme en France avec le PCF jusqu’en 1941, au moins les responsables qui ont respecté le pacte germano-soviétique. C’est pour cela qu’on a pris une héroïne polonaise pour ouvrir le champ d’action.
On est quand même dans un milieu aéronautique aussi avec le rôle des ATA (Air Transport Auxiliary) qui ont piloté tous les types d’avions pour les livrer aux escadrilles sans jamais se battre. Sauf les Russes qui avaient des femmes pilotes de chasse ou bombardiers. Votre héroïne est forte, émouvante pendant le Blitz avec en plus un agent infiltré allemand en arrière plan.
Eric Warnauts et Raives : Il y avait des agents secrets allemands en Angleterre plus les fascistes de Mosley un Anglais pronazi enfermé. Après on verra mais il y aura aussi les pilotes FAFL, Tchèques ou autres. Le prochain tome démarrera fin 41, en décembre les USA entrent en guerre et arrivent en Angleterre en 42 avec les B-17 de la 8e Air Force. Il y a beaucoup d’éléments pour tisser des fils, pas que des pilotes. Il y a des infirmières. Des pilotes de chasse femmes soviétiques au cours d’une visite qu’elles ont faites en Angleterre.
On finit le tome 1 avec Kate aux commandes d’un De Havilland Dragon. Elle va intégrer le SOE mais qu’est ce qu’elle devient sans vraiment dévoiler l’intrigue ?
Eric Warnauts et Raives : Elle sera donc dans le SOE et parachutée en Belgique. Et il faudra qu’elle rentre en Angleterre, pas en avion style Lysander. Donc la seule solution c’est traverser la France occupée, l’Espagne ou en sous-marin en Méditerranée. On a accumulé une grosse doc sur le sujet. C’est quand même les capacités de pilote de Kate qui vont être primordiales.
Vous lui avez offert toute une famille.
Eric Warnauts et Raives : C’est une leçon que nous a donné Vittorio Giardino. Tout au début il nous avait dit que pour son Max Fridman on savait tout de ses grands-pères, d’où ils venaient, au détail près. Un héros a une vie. On a compris la leçon. Autre point, au début de la guerre beaucoup de pilotes étaient issus de milieux aisés.
Comme Clostermann et ensuite il y a eu formation à outrance de gamins.
Eric Warnauts et Raives : Leur durée de vie était très courte, 21 ans en moyenne. On va présenter des modèles d’avions de chasse avec peu de munitions, des tirs qui durent quelques secondes et des autonomies fables.
Mais pour compenser cela et abattre l’avion ennemi il fallait toucher le pilote. Comme Fonck en 14 qui d’une passe abat trois avions et vise les pilotes. Votre album est passionnant pour son réalisme authentique, véridique, à portée humaine. La couverture est très belle, bien construite. Vous aviez une grosse documentation ?
Eric Warnauts et Raives : On en avait déjà une grosse partie depuis des années. Maintenant on est totalement dedans. On sent l’air du temps, on se sert des journaux, des carnets de souvenirs. Une femme la nuit à Londres sous les bombes ne voulait pas rentrer seule, ce qui implique ce que cela implique. Chaque heure pouvait être la dernière. On n’imagine pas ça. Ils brulaient la vie car pas certain de vivre le lendemain.
Vous seriez sur quatre tomes ?
Eric Warnauts et Raives : On a signé pour trois et on serait sur quatre. Faut-il montrer ou qu’évoquer la traversée de la France par Kate. Cela vaudrait la peine comme un crash en Suisse aussi, les camps de prisonniers. Même si on peut s’en passer. On verra en septembre avec Le Lombard.
Vous travaillez toujours à quatre mains ? C’est dur de faire de beaux avions ?
Eric Warnauts et Raives : Oui toujours pareil. Pour les avions c’est la première fois pour moi comme Éric de prendre des instruments pour les courbes. Le crayonné est plus agréable que la finalisation qui est très technique. La différence avec d’autres auteurs aéro c’est que dans les aquarelles de Guy il y a une vibration qui apporte énormément. On n’est pas des spécialistes. Quand on interrogeait Uderzo sur ce genre de choses il répondait qu’il faisait de la BD. On fait des avions et de la BD. Mais ce n’est pas évident. On essaye d’être juste au maximum. On n’a pas eu de retour négatifs sur les avions.
Vous avez pris plaisir à faire cet album. Et vous n’êtes que sur cette série ?
Eric Warnauts et Raives : Oui tout à fait. il y a les dessins de Londres, la chorégraphie aérienne, des mouvements logiques sur une double page. Kate est un personnage fort, authentique, elle volait seule sur Stirling énorme bombardier. Ces pilotes de l’ATA avaient une formation simple avec des cartes routières, pilotage à vue.
Vous allez parler des pilotes des Forces aériennes françaises libres ?
Eric Warnauts et Raives : Oui et des pilotes français qui aussi ont volé en escadrilles anglaises. Comme Clostermann. On va voir tout cela ensuite. Prochain album en 2025.
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