C’est Yann avec intelligence et talent qui signe cet album délicat à fois chronique des Trente Glorieuses en France, pas de chômage, pouvoir d’achat en hausse, joie de vivre mais aussi une guerre en Algérie de 1954 à 1962 avec l’Indépendance remise en cause à coup d’attentats par un mouvement extrémiste, l’Organisation de l’Armée Secrète issu du putsch avorté des généraux à Alger en 1961. Tuez la Grande Zohra, c’est tuer De Gaulle dont c’est le surnom avec comme grand témoin une jeune femme qui enfant a été cruellement blessée dans un attentat à la bombe de l’OAS qui visait Malraux. Des bombes il y a eu celles du FLN pendant toute la guerre à Alger ou Oran. Jérôme Phalippou est au dessin et a su coller sans défaut à l’époque. Un album teinté parfois de nostalgie malgré tout et Yann s’en est expliqué dans l’interview qu’il a accordé à Ligne Claire.
Une péniche, un type qui s’est suicidé, la photo d’une petite fille défigurée. Trois loubards trouvent le mort et mettent le feu à la péniche. L’électrophone joue la chanson de Piaf « Je ne regrette rien » qu’ont chanté les légionnaires du 1er Régiment Parachutiste en se rendant après le putsch auquel ils s’étaient ralliés. A Paris en 1983 une jeune femme apprend qu’elle va perdre le seul œil encore valide après sa blessure dans un attentat enfant. Martine Goupil (en réalité Delphine Renard dont la photo ensanglantée dans Match en 1962 avait ému la France entière) sait qu’il lui reste une chose à faire. En 1968, Brigitte Bardot se souvient des menaces de l’OAS il y a quelques années dont les membres purgent leur peine aux pénitencier de l’Île de Ré. Un détenu borgne veut toujours tuer De Gaulle. En A964 Zorro est arrivé chante Salvador et Martin est sur le France pour les USA où elle va subir une très douloureuse intervention. 1961 des bombes enterrées attendent De Gaulle et sa femme dont le convoi va passer à Pont-sur-Seine. Enfin à 1978, une conférence à Paris avec une porteuse de bombes du FLN à Alger, Djamila Pelazza (inspirée par Djamila Boupacha arrêtée, violée et torturée) est interpellée par Martine. L’égérie du FLN a une attitude méprisante pour ses victimes.
C’est là en fait où on comprend que la guerre d’Algérie restera encore longtemps une plaie ouverte. Au moins pour ceux qui s’en souviennent encore dans la population française alors qu’en Algérie elle reste fondatrice et support d’un anti-colonialisme à rallonge. Difficile d’ailleurs pour Yann d’avoir une position objective face aux deux camps en présence qui campent sur leurs positions. Il réussit pourtant et chronique, montre, sans prendre fait et cause évidemment. Une légère part d’humour dans cette volonté de vengeance évidente, et toujours Zohra dit aussi « le Grand Charles » pour cible qui a eu une chance incroyable comme on le verra aussi dans le tome 2. Un très bon album avec Nounours, Saturnin le canard et l’équipe de Cinq Colonnes à la Une qui rappelleront des souvenirs d’enfance aux seniors.
Tuez la grande Zohra ! Tome 1, Éditions Paquet, 15,50 €
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