Il a du cœur Hervé Bourhis et le sien lui a joué un mauvais tour qu’il raconte dans Mon Infractus (NDLR : oui il n’y a pas de faute, orthographe voulue par l’auteur car entendu dans la bouche d’un médecin) chez Glénat. A y être et pour dédramatiser le sujet il y a ajouté sa passion pour la musique, le mixage qu’il pratique. Du coup on a un album sincère, joyeux, très fluide et coloré. Infractus, c’est un constat qui dit que la vie est belle. Pour ne pas être en reste, Bourhis a dans la foulée signé un scénario de polar avec American Parano (Dupuis), bien ficelé et une première pour lui. Rencontré au Festival du Livre de Paris, Bourhis s’est entretenu avec Ligne Claire. Propos recueillis par Jean-Laurent TRUC.
Pourquoi, Hervé Bouhris, s’être lancé dans cette aventure à la fois autobiographique sur votre problème de santé et un retour sur vos passions musicales ? Vous avez jumelé les deux.
Je ne voulais pas le faire ce livre au début. Il y a eu beaucoup de titres dans ce style.
Comme le Chauzy par exemple ?
Je ne voulais pas être en compétition avec lui. Je sentais que ce serait le cas et ça l’a été. Je ne suis pas un lecteur de ces albums, sur la santé. J’en ai lu que j’ai adoré mais je ne me pensais pas capable de faire aussi bien. Comme David B. ou Santé foireuse de Pozla qui est merveilleux. Il avait réussi à avoir un traitement graphique superbe. Je le relis souvent pour me remettre les idées en place mais il me semblait que faire un bouquin de plus après lui sur le sujet était difficile. Quand on a un truc pareil qui nous arrive, quand on est auteur, c’est cependant tentant.
Ce n’est pas neutre effectivement sur la psychologie d’un auteur ou de tout un chacun.
Je lisais un article sur un DJ et il utilisait le terme de bpm, battement par minute, comme pour le cœur. La musique, c’est mon hobby. Grace après mon infarctus, la renaissance par la musique me donnait un axe intéressant. Je ne voulais pas que ce soit seulement sur la santé. Il fallait un lien entre les deux.
Il y a de l’humour dans ce récit malgré le tragique.
Si on parle de Chauzy, on a deux axes différents. Il témoigne sur le quotidien, santé à 100%. Je me suis demandé à quoi pouvait servir d’avoir un infarctus. C’est un signe quand cela vous arrive. Et quelle conclusion en tirer ? La première que je suis en vie. Il fallait en profiter. Donc j’ai voulu dire ce que j’aimais, ce que je voulais faire, à quoi ça m’a servi. Ne pas rester sur le seul côté dramatique. Je voulais que quand on referme le livre on en retienne le côté joyeux.
Plus cette musique que l’on découvre car, pour certains on ne la connait pas. On découvre et on part sur des pistes inconnues. Le mélange est judicieux car on ne tombe pas dans le pathos.
Ce n’est pas grave pour la musique de ne pas connaître les groupes. Il y a le stress, la pression de la vie. Sincérité spontanée et humour, voilà ce que je voulais. Quand je veux faire un album dramatique je suis au premier degré. Pour le cardiaque j’ai mis plein de détails rigolos, de clins d’œil.
Mixer est une part importante de votre vie. Même en amateur.
Et cela le restera. J’ai toujours depuis l’adolescence eu cette passion de la musique. J’aurais pu être journaliste spécialisé. Je n’ai jamais été assez bon comme musicien pour faire de la musique autre chose qu’un hobby. Quand on m’a proposé de passer des disques, j’ai dit oui et j’ai adoré ça. C’était complémentaire. Beaucoup d’auteurs de BD font de la musique parce qu’on a un retour direct avec le public. Pour un album il faut au moins un an. Quand je suis DJ je vois de suite si ça marche. J’ai d’ailleurs repris les platines.
Vous avez joué sur le mot cœur, comme la liste des personnalités touchées comme Vian.
A un moment je voulais raconter l’histoire des seuls DJ mais c’était un peu léger. Il fallait que les deux envies se rejoignent. Que l’un amène l’autre. L’un sans l’autre était trop faible. Avec bpm on jumelle les deux puisque cela concerne aussi les battements cardiaques. Vian fait partie des clins d’œil.
Comment avez-vous écrit le scénario ?
Je l’ai écrit tel qu’il est. On dirait que c’est improvisé. J’écris toujours un scénario très détaillé, dialogues compris. Après je peux modifier légèrement mais je na fais jamais de crayonnés. Je fais trois pages par jour directement. Donc je suis allé très vite. Après la parution, j’ai relu le scénario. Rien n’avait changé.
Il y a une mise en page très éclairée, qui bouge, colorée.
Cela a été inconscient. Comme si j’avais tout mélangé sans le décider. Toutes mes obsessions y sont aussi. Tout se rejoint sans vraie réflexion pour un bouquin très personnel. J’ai toujours galéré avec les couleurs. Je suis laborieux et là tout s’est fait naturellement.
Vous restituez votre passion de la vie. On est dans une sorte de témoignage positif.
Il ne fallait pas que cela dure trop longtemps et cela n’a pas été douloureux hormis quand mon fils est là, témoin de ce qui m’arrive. Je suis assez pudique et c’est très intime comme bouquin. Je prends du recul maintenant. Il y a une construction et le scénario correspond tout à fait au résultat.
Il y a beaucoup de spontanéité, de sincérité, dans tous les domaines.
Il y a un flux naturel. On est au cœur de tout si je puis dire. J’ai réussi à maîtriser en partie mon stress. Quand j’ai eu mon pépin ma vie était compliquée. Maintenant ça va mieux. Je ne mets plus de réveil. Je travaille le soir. Je jongle. J’ai été un bon soldat aux ordres des médecins. Je fais du sport.
Quand vous passez au polar, c’est autre chose avec American Parano.
C’est un exercice de style. J’en ai très peu lu, mais beaucoup vu. Je me suis demandé pendant le premier confinement si j’étais capable de faire un polar. Je n’avais pas les codes. A l’origine c’était un one-shot. Je l’ai écrit et fait lire à Doug Headline. Pour lui c’était bien un polar. Ensuite il fallait trouver un bon dessinateur.
Et après ?
Que des bouquins sur la cardiologie. Un par an. Non je rigole. Je continue American Parano qui est devenue une série chez Dupuis. On va suivre la jeune flic Kimberly au fil des ans à San Francisco jusqu’à sa retraite. Je suis sur le tome 3. J’ai aussi un scénario au chaud et des projets qui vont se faire au fut et à mesure.
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