Les Prix Artémisia 2024 ont été décernés, cinq au total, dont le Grand Prix à l’excellent Madones et putains par Nine Antico, éd. Dupuis. Avec elle Joanna Folivéli, Bérengère Delaporte, Zelba, Lili Sohn et Elodie Lascar succèdent à Valentine Cuny-Le Callet, Nina Bunjevac, Maybelline Skvortzoff, Daria Schmitt, et Trina Robbins, lauréates du prix 2023.
Pour le jury d’Artémésia, Madones et putains est un album essentiel pour l’histoire de la bande dessinée féminine et féministe, que le prix et l’association Artémisia a pour vocation de défendre et éclairer. En trois nouvelles graphiques parfaitement dessinées, la talentueuse et prolifique Nine Antico nous donne à voir, et à penser, la condition féminine dans le monde machiste de l’Italie du XXème siècle, pas fondamentalement différent du suivant. De la jeune Agata, enfermée dans un sanatorium et privée de toute vie sociale, pour cause de scandale sexuel concernant sa mère et l’amant de celle-ci, à Lucia, la jeune femme tondue au sortir de la Seconde Guerre mondiale, pour avoir aimé un soldat allemand, puis à Rosalia qui a osé livrer le nom des mafieux de son village, et se retrouve de ce fait stigmatisée, puis poussée au suicide, ce sont trois histoires exemplaires de femmes sacrifiées sur l’autel des valeurs dominantes d’une société qui ne reconnait ni sa violence, ni ses torts, ni ses manques.
Prix Artémisia « Mauvaises herbes »
Il a été attribué à Devenir, par Joanna Folivéli. Deux Points Éditions. C’est la première publication de Joanna Folivéli, un album soigneusement soutenu par les Deux Points Éditions et composé de courts récits aussi poétiques que dramatiques. Les beaux et fins dessins de Joanna interroge le regard de notre société sur la transidentité et la difficulté à vivre tranquillement sa singularité.
Prix Artémisia Poésie-Mixte
Il va à Grande échappée, par Bérengère Delaporte, variation graphique autour du poème La Panthère de Rainer Maria Rilke, éd. Nathan. Il n’y pas que les coups de poing qui font mal, la violence psychologique peut tout autant détruire à petit feu. Toxique, le père de Louise l’est assurément. Lorsque l’ado lui avoue vouloir devenir danseuse comme sa mère, le tyran domestique refuse net et accuse sa femme de l’avoir influencée, de n’être qu’une danseuse « ratée », bonne à rien et boulet financier. Louise pousse sa mère à ne plus se comporter comme la Panthère du poème de Rainer Maria Rilke qui, de sa cage, ne « semble voir que barreaux par milliers et derrière mille barreaux… ».
Prix Artémisia Humour
Il est attribué à Le grand incident, par Zelba, éd. Futuropolis/Louvre éditions « A poil, tout le monde à poil ! » résume un peu l’album de la dessinatrice Zelba. Le directeur du musée du Louvre constate un matin, la disparition de toutes les représentations de femmes dénudées dans les œuvres. Teresa, la femme de ménage, en connait la raison. Les femmes représentées ne veulent plus être l’objet de regards parfois vicelards, de moqueries ou même de mains baladeuses. Pour réintégrer tableaux et socles de statue, elles exigent des visiteurs masculins une tenue d’Adam.
Prix Artémisia « Survireuse »
Il va à Sultana, par Lili Sohn et Élodie Lascar, éd. Steinkis. Sarah, 35 ans, est l’(anti) héroïne de cette bande dessinée étonnante. La trentenaire cumule boulot et relations amoureuses frustrantes, mère odieuse, et manque chronique d’argent. Tout cela ne l’empêche pas de vivre a cent à l’heure, sur son petit deux roues, au risque de déraper, d’où le titre du prix « Survireuse « . En effet, les membres du jury Artémisia ont « tousses » pensé à l’album de feu Guy Peellaert intitulé Pravda la survireuse. Une motarde qui ignore systématiquement les feux rouges ! Comment trouver le temps d’avoir un enfant avec un rythme et un style de vie pareil ? Pourtant, l’horloge biologique de Sarah commence à s’affoler… Mais, pour la jeune femme, l’idée d’une vie bien rangée, correspondant aux standards imposés par la société, ne lui semble pas faite pour elle… L’est-elle pour les autrices de cet album tonique, audacieux, et puissant ? Lili Sohn et Élodie Lascar ?
Le Prix Artémisia co-fondé en 2007 par Chantal Montellier et Jeanne Puchol, a pour objectif de mettre à l’honneur la production féminine dans la bande dessinée, toujours plus abondante et talentueuse, pour le scénario et/ou le dessin. Les membres du jury Artémisia composé de Chantal Montellier, Isabelle Beaumenay-Chaland, Julie Scheibling, Patrick Gaumer, Pascal Guichard et Christophe Vilain.
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