On est en pleine période des prix en cette fin 2023 avant Angoulême et ses inconnus en janvier prochain. Le Prix 2024 du Jury Œcuménique est attribué à l’excellent album Sông de Hai-Anh et Pauline Guitton chez Ankama et la mention spéciale à l’album Les Oiseaux de papier de Mana Neyestani coédité par Ça et Là avec ARTE Éditions. Le jury, composé de 9 spécialistes de la bande dessinée, historiens, critiques, journalistes, bibliothécaires, dessinateurs, catholiques, protestants et agnostiques, s’est réuni le samedi 9 décembre 2023, afin de choisir parmi 12 bandes dessinées pré-sélectionnées. Le prix sera remis pendant le Festival International de la BD par le Président du Jury, Jean-Pierre Molina, à l’église Saint-Martial d’Angoulême, le jeudi 25 janvier 2023, à 15 h.
On avait beaucoup aimé ce titre, Sông, de Hai-Anh et Pauline Guitton au dessin avec bonheur associées pour signer un livre témoignage. Sồng est le récit d’une vie sous le ciel de la guerre du Vietnam à la fin des années soixante, la seconde guerre l’Indochine après celle menée par la France de 1945 à 1954 qui a vu le Vietnam coupé en deux. Le Nord voulait réunifier le pays sous un régime communiste que les Américains ont combattu avec le Sud jusqu’à la chute de Saigon en 1975. On va suivre dès le début un parcours difficile, atypique, courageux et déterminé d’une jeune fille prise entre résistance et passion du cinéma. Des relations très compliquées mais teintées d’un amour pudique vont marquer les rapports des deux femmes. Une histoire forte car précise, juste de ton que le dessin de Pauline Guitton, curieusement vietnamise encore plus, souplesse énergique du trait et expression des regards. Un ouvrage à rapprocher de celui de Marcelino Truong, 40 Hommes et 12 fusils qui traite d’un parcours assez proche parmi les combattants Viêt-Minh contre la France en 1954.
Avec Les Oiseaux de papier de Mana Neyestani, comme le dit le communiqué de Jean-Pierre Molina, tirer du malheur le plus désespérant des images admirables, tel est le rôle de la tragédie. Tel est aussi le talent de Mana Neyestani dans cette bande dessinée qui relève du récit d’aventure mais d’une aventure où les héros sont sans gloire et l’héroïsme clandestin. On les appelle les kolbars, des contrebandiers kurdes qui transportent à dos d’homme d’énormes colis sur des chemins vertigineux à flanc de montagne, non pour établir quelque record sportif mais pour nourrir leurs familles. Les soucis et la peur qui leur écrasent les épaules et les rêves qui les tiennent debout, leurs amours ou leur deuil … font partie du voyage dans des paysages dont un dessin sobre et puissant impose l’implacable beauté.
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