Un coup de cœur, rare, pour la mise en images autour d’un poème de Rainer Maria Rilke. Un vrai moment d’émotion, et de tristesse, d’envie d’agir, en se disant que ce que montre Bérengère Delaporte est le quotidien horrible de femmes, d’enfants victimes de bourreaux masculins. Il faut beaucoup de courage pour réagir, comme on va le voir au fil de ces pages qui plus est dessinées avec talent car d’un réalisme évident et incontournable, banal et donc encore plus insoutenable. La collection Poéstrip rassemble chez Nathan des romans graphiques inspirées par des poèmes de tout horizon.
Un zoo, une panthère en cage, une famille, deux sœurs, une ado Louise et une plus jeune, un père donneur de leçons, abrupt et une mère heureuse, Camille, au moins en apparence. Vivre derrière des barreaux, début de la métaphore car comme le dit la maman ce n’est pas facile. Louise veut aller dans une école de danse, sa mère aurait pu être une grande danseuse. Conflit à table, le père n’aime pas le repas et Louise leur parle de son projet. Il va falloir en discuter mais qui sera le décideur ? Père, mère, les deux ? Louise doute, écoute son père être méprisant avec Camille, sans lui elle ne serait rien. Une violence presque pire que des coups. Mère au foyer qui en plus travaille, elle ne lui inspire, il le dit, aucune tendresse. Louise est submergée par l’émotion mais ses yeux sont désormais ouverts sur ce qu’elle n’a pas su ou voulu voir.
Et c’est la jeune fille qui va être le détonateur, l’opposante à un père dont elle mesure toute la haine, la violence et le risque éventuel de dérapage physique. Il a le complexe du héros incompris, du sacrifié sur l’hôtel de la famille. Louise va tout faire pour que sa mère réagisse enfermée dans une sorte de syndrome de Stockholm où tout est normal, elle ne voit plus qu’elle est victime en cage. La narration est très maîtrisée, reprend toutes les étapes depuis même l’enfance du père pour expliquer le processus, sa montée en puissance. Voilà une BD qui évite les grands discours. On comprend, on ressent et on se dit que ce sera l’inévitable affrontement final si Camille veut retrouver sa liberté.
Grande Échappée, Nathan BD, 23,95 €
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