Bordeaux et ses grands crus, ses domaines aux noms prestigieux, Isabelle Bunisset, journaliste et universitaire s’est fait un malin plaisir d’écrire une satire drôle et enlevée sur le sujet. Vin, gloire et bonté (Glénat) plonge au plus profond des châteaux et du négoce bordelais. Sabre au clair, Isabelle Bunisset qui connaît bien son monde, est montée à l’abordage avec son héroïne, Annabelle. Tout juste installé dans la capitale girondine, le dessinateur italien Giuseppe Liotti a croqué des personnages savoureux qui n’ont rien pourtant d’imaginaires. Texte Jean-Laurent TRUC également publié dans le mensuel ZOO de juillet.
Dire qu’elle n’a pas fait dans la dentelle, c’est le moins que l’on puisse écrire. Isabelle Bunisset critique littéraire au journal Sud-Ouest et chroniqueuse viticole au Figaro Magazine, a trempé sa plume dans l’humour rallongé d’une pointe de vitriol pour les acteurs de son album. Un assemblage divin. « L’idée m’en est venue quand j’écrivais mon bouquin sur Michel Rolland, le gourou du vin. J’ai aussi rencontré Eric Corbeyran qui m’a suggéré de me lancer dans l’aventure du scénario », complète Isabelle Bunisset. Un univers la BD qu’elle ne connaissait pas mais qui lui a fait découvrir une écriture condensée, « finalement très proche de l’écriture journalistique ».
Le sujet des barons et des clans familiaux du vin bordelais, leur façon de vivre, l’avait séduit. « Glénat a accepté et on a réfléchi. Je me suis rapproché du dessinateur Liotti qui venait d’arriver à Bordeaux. Je l’ai amené à des dégustations pour qu’il s’imprègne, c’est le cas de le dire, de cette culture très particulière ». Voila donc l’héroïne, une jeune femme, Annabelle, journaliste névrosée et parisienne, en plein divorce, que son patron de père, magnat de la presse, envoie trois mois à Bordeaux pour lui ramener un dossier sur l’illustre vignoble. Mais sans pouvoir dire du mal de quiconque. Pas la joie pour Annabelle qui part à ses yeux à la cambrouse. Mais elle va vite s’apercevoir que, chez ces gens-là, Monsieur, il y a des règles et des rites bien établis que l’on ne transgresse pas facilement si l’on ne fait partie du sérail. Et elle va se rebeller Annabelle.
Qui aime bien châtie bien
« Je n’ai pas la prétention de dire que je connais parfaitement ce milieu mais tout est vrai soit parce que j’ai vécu certaines de ses situations, rencontrés les personnages, soit repris des anecdotes authentiques que l’on m’a racontées », prévient Isabelle Bunisset. Qui aime bien, châtie bien et le vin manque, selon-elle, terriblement d’humilité et d’humour. La belle Annabelle va creuser le sujet, aviver la flamme d’un chroniqueur viticole, s’imprégner de l’ambiance et des arômes. Elle va rencontrer quelques négociants et propriétaires assez imbus de leurs personnes, une bonne série de têtes à claques pour la jeune femme qui trouvera aussi l’amour avec le beau rejeton d’un domaine réputé.
Si le cadre est celui du vin haut de gamme, celui des crus mythiques, Vin, Gloire et Bonté, titre clin d’œil rigolo, est une comédie de mœurs tout à fait revendiquée par son auteur. « Je ne suis pas du tout animée par la méchanceté à tout prix. Tout le monde a quand même droit à sa dose. Annabelle aime la vie, elle est intelligente et j’aimerais d’ailleurs, si le succès est au rendez-vous, l’envoyer vers d’autres hauts-lieux de la viticulture comme la Bourgogne ». En Languedoc aussi ? Ce serait amusant.
Le poids des bons mots
Isabelle Bunisset avoue avoir pris grand plaisir à écrire son histoire. Elle dit avoir rit parfois en peaufinant ses dialogues qui sont pleins et bien calibrés. Le poids des bons mots, épurés. Sur des situations insolites, elle oblige son Annabelle à rebondir, fine mouche jolie et délurée. « J’avais sa voix dans la tête en écrivant ».
La dérision enjouée d’Isabelle a dû en énerver quelques-uns en Bordelais. Comme lui a dit son dessinateur, Vin, Gloire et Bonté a une ambiance à la Visconti. Heurs et malheurs de la grande bourgeoisie, italienne ou girondine. On sent bien que même si Isabelle Bunisset force parfois le trait, la réalité et sa fiction ont beaucoup de points communs. Un monde élitiste et fermé dont elle a pu et su forcer les portes pour en ramener quelques grands moments de bonheur, ronds en bouche et bien charpentés.
Vin, gloire et bonté, 144 pages, noir et blanc, Glénat 19,50 €
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