Tout bon amateur de Jacobs connait, a lu Le Rayon U, brouillon involontaire des futures aventures de Blake et Mortimer. Car l’album a été de fait une production de guerre, la seconde, sous censure et aussi, comme Greg le signalait dans une préface postérieure, sous le danger « de vrais canons et de vraies bombes qui faisaient éclater un suspense moins poétique ». Série SF américanisée après Flash Gordon qu’il avait repris dans Bravo puis interrompue pour cause d’Occupation allemande, Edgar P. Jacobs se lance dans le Rayon U avant de rejoindre en janvier 1944 les studios Hergé. Quand on relit pour la énième fois l’album, on trouve évidemment des pistes pour la suite. Tout en se disant quand même que le temps a fait son œuvre pour ce Rayon alors que les autres titres de Jacobs justement n’ont pas pris une ride. Jean Van Hamme a donc décidé, par nostalgie peut-être, d’écrire la suite du Rayon U. Van Hamme avait été semble-t-il marqué jeune, par sa lecture.
Lord Calder a accompli sa mission, les Neustradiens sont repoussés, la pierre de vie et de mort a été récupérée. 80 ans après, une suite ce n’est pas rien car il fallait coller à l’ambiance de l’époque, sans trahir, ni rajeunir trop ouvertement, suggérer aussi que les personnages étaient bien les prédécesseurs de Blake, Mortimer, Olrik et Nasir pour attirer les lecteurs. La Flèche ardente va boucler le cycle Jacobs. Comme aussi la suite de Sato en son temps. Reste qu’on y verra un exercice amusant et, pourquoi pas, quand on connait Jean Van Hamme un brin ironique, très écrit, que le dessin de Étienne Schréder et Christian Cailleaux (Le Cri du Moloch) aide largement dans sa démarche créative par son côté rafraichissant.
Babylos III est en colère à Austradia. Son espion Dagon serait mort mais on sait que l’uradium avec le rayon U serait une arme terrifiante. Ordre est donné au général Robioff de prendre les Îles Noires. A Norlandia Lord Calder drague Sylvia Hollis. On reparle du Major Walton et du sergent Mac Duff, de la jalousie de la princesse Ica pour Sylvia, du dénouement tragique de la mission qui avait trouvé le gisement. Adli, fidèle serviteur indien rejoint son maître alors que loin de là, Dagon qui a survécu sort des flots. Il manque de se faire dévorer par un dinosaure. A Norlandia , le professeur Marduk, Calder, Sylvia, Walton et Mac Duff tiennent conseil mais Adli s’élève contre toute recherche de la pierre de vie qui est sacrée. Dagon rencontre des hommes-singes au moment où des avions austradiens bombardent leur village. L’invasion des îles a commencé.
Pour être franc, on avait une certaine réticence face à cette suite opportuniste semblait-il. Et ne voilà-t-il pas qu’on a pris un vif plaisir à ce flash-back dans tous les sens du terme, madeleine au goût retrouvé en même temps que celui des années de jeunesse éloignées. Van Hamme connait son métier mieux que personne. Il s’est fait plaisir. Il signe un opéra de papier (raccourci en mémoire de Jacobs) que n’aurait pas renié le maître. Des pages où il a gardé découpage et relance comme dans le Rayon U. Il y a ajouté sa marque, de l’humour, le groom de l’empereur, des ambiances prenantes, de l’amour et de jolies héroïnes dont Elina, de l’action en force, des rebondissements. Classique dira-t-on cette suite, certes mais que le talent de Jean Van Hamme amène à bon port sans oublier une fois encore la grande qualité des dessins, des couleurs dans le ton, travaillées de Bruno Tatti. Au lecteur de donner leur futur nom dans Blake aux héros de cette fresque enlevée.
Avant Blake et Mortimer, Tome 2, La Flèche ardente, Dargaud, 16,50 €
– Ce ne sont pas les « Neustradiens » mais les « Austradiens » (puissance rivale des Norlandien.
– « La grande qualité des dessins… » … Vraiment ? Rien ne vous choque ?!
– « Boucler le cycle Jacobs »… Il n’y avait rien à boucler. Jacobs avait prévu une vraie suite au Rayon ‘U’ mais le directeur de « Bravo! » lui ayant signifié que tous les droits appartenaient au journal (!), il a dû renoncer. Mais son synopsis évoquait déjà le thème de l’arme secrète, le terme « Espadon » étant même mentionné. On connaît la suite, Edgar P. Jacobs a transformé certains des personnages et a créé un autre contexte pour le grand récit qu’il allait fournir au journal Tintin. Van Hamme s’est fait plaisir, oui, mais à part ça ?……..
Bravo et « merci » pour la censure… Je ne vous félicite pas !
Un merci (sincère, cette fois) pour avoir remis mon commentaire… Qui émet des critiques, c’est vrai, mais qui n’a rien d’insultant.
Cet album, a priori, j’y « allais » avec curiosité et même une certaine envie. Mais pour moi – et je ne suis pas le seul – ça ne va pas. Bien sûr on y trouve des moments plus réussis, surtout dans les 1ères planches, mais très sincèrement je ne comprends pas que l’on puisse dire que les dessins sont de grande qualité ; comme si tout était brillant graphiquement. M’enfin quoi ! les postures impossibles et maladroites, les visages écrasés ou déséquilibrés, les yeux mal placés, les décors parfois simplistes, les engins avec des perspectives approximatives, ça se voit comme le nez au milieu de la figure . ET puis bon, de la part de jean Van Hamme, au final, c’est un hommage ou une blague ??? Il a dit dans des interviews qu’il ‘rigolait devant ses pages’……………
Bien à vous,
Roger