Leiji Matsumoto est décédé le 13 février 2023 à l’âge de quatre-vingt-cinq ans. Leiji Matsumoto, de son vrai prénom Akira, changé par la suite afin de se démarquer, est né à Kyūshū, l’île du sud du Japon, en 1938. Il est d’abord connu en Occident, notamment dans les pays francophones, grâce aux séries d’animation tirées de ses mangas. Le créateur du Capitaine Albator (Captain Harlock au Japon, 1977), soulignait le lien l’unissant à son fameux pirate de l’espace, son alter ego idéalisé.
Popularisé par Récré A2 (1978) en France, on sait moins que la France, où le mangaka fut décoré de la médaille de Chevalier de l’Ordre des Arts et des Lettres (2012), avait orienté auparavant sa destinée à double titre (communiqué par Kana). En effet, son père, pilote, est formé au vol par les instructeurs et ingénieurs français de la mission (1919-1921) du colonel Jacques-Paul Faure au Japon, qui vient de participer à la Première Guerre mondiale aux côtés des Alliés, pour former le noyau de son aviation militaire à venir. À la maison, ses nombreuses anecdotes à ce sujet enflamment l’imagination de ses nombreux enfants. Après 1945, la démobilisation paternelle entraîne la paupérisation de la famille. Au contraire de l’un de ses frères plus tard, le futur Leiji renonce à une carrière liée à l’aviation pour le dessin, pour retranscrire sur le papier ce qui continue pourtant à le faire rêver. Vue dans Marianne de ma Jeunesse (1954), film romantique de Julien Duvivier, coproduction bilingue visant à favoriser la réconciliation franco-allemande, l’actrice Marianne Hold lui laisse un souvenir impérissable. Il confère après sa silhouette longiligne, voire sa blondeur, à la majorité de ses protagonistes féminines. Parti pour Tōkyō (1957), il doit néanmoins s’essayer à différents registres, avant de percer plutôt dans le shōjo, y compris animalier, avec son épouse Miyako Maki. Elle en est devenue l’une des vedettes et ensuite une pionnière déterminante de sa version plus adulte, le jōsei. Ces influences et la Scarlett O’Hara (Vivien Leigh) d’Autant en emporte le vent, devaient inciter son mari à doter ses femmes de papier, telle Esmeralda (Emeraldas), d’une très forte personnalité. Par contraste, de plus effacés petits bonshommes évoluent autour, comme Alfred (Tochirō Ōyama) ou les membres de l’équipage d’Albator, myrmidons, auxquels le mangaka ressemble l’âge venant, un bonnet à tête de mort rouge façon Jolly Roger, l’emblème des pirates, vissé sur la crâne.
Quand le dessinateur synthétise tout ceci en un système graphique et narratif faisant son unicité et sa renommée, des années 1960 aux années 1980, il concrétise enfin ses ambitions réelles, concernant le shōnen et l’animation. Son engouement pour l’aviation l’a orienté à avoir la tête dans les étoiles. Disciple du pionnier japonais de la science-fiction Unno Jūza (1897 – 1949), il lui rend hommage à travers le personnage du capitaine du Yamato, le cuirassé de l’espace. Capitaine Albator et ses autres séries de Space Opera du Leijiverse bénéficient en outre du succès planétaire de celui de Star Wars, au Japon inclus. Il y ajoute des emprunts à d’autres aspects de son Histoire et de sa culture. Et Leiji Matsumoto se montre précurseur lorsqu’il les mélange à d’autres récits de genre, également très importants dans le manga, tels ceux de flibustiers ou le western, ou leur donne une patine vintage (voir aujourd’hui One Piece ou The Mandalorian, rappelant Lone Wolf and Cub).
Au début des années 2000, Daft Punk refait rêver toute la « génération Albator », en collaborant avec son auteur sur la mise en images de la musique de leur album Discovery dans le long-métrage d’animation Interstella 5555. Kana entreprend alors de traduire Capitaine Albator (2002), Galaxie Express 999 et L’Anneau des Nibelungen (2004), Queen Emeraldas et 24 histoires d’Un temps lointain (2014), Dimension Voyage (au scénario en 2016), 25 histoires d’un monde en 4 dimensions (2018), une reprise en BD par Jérome Alquié avec Mémoires de l’Arcadia (2019) ou encore plus récemment V2 Panzer (2022). Cet éclatant retour sur le devant de la scène, est entretenu par le film 3D nippon sur Albator (2011) ou les venues marquantes de son auteur au Festival d’Angoulême (2013) ou lors de Japan Expo (2019).
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