L’exposition qui devait être consacrée en janvier à Bastien Vivès pendant et par le Festival d’Angoulême a été annulée par l’organisation. Des menaces auraient été proférées contre les organisateurs qui pourtant avaient maintenu l’exposition dans un premier temps, menaces aussi contre Bastien Vivès. Mais c’est surtout une pétition en ligne qui a pesé lourd. Les menaces finalement facilitent une décision prévisible. Le FIBD a joué la carte de la prudence si ce n’est celle de la liberté d’expression alors que rien dans l’exposition, le communiqué le dit, ne semblait prêter à confusion. Une affaire qui s’inscrit tristement dans l’air du temps.
On rappelle que Bastien Vivès âgé de 38 ans a rencontré le succès avec une œuvre diversifiée et talentueuse dont des romans graphiques de très belle qualité. Le Goût du chlore, Essentiel Révélation à Angoulême 2009 qui l’impose, Polina, Le Chemisier (2019), Une Sœur qui n’avait pas pour autant défrayé la chronique en 2017, la série Lastman variation sur le manga en 2013 ou encore la reprise du personnage de Corto Maltese dans Océan noir, 2021, un polar Quatorze juillet (2020), et une BD effectivement pornographique classée comme telle et donc interdite aux mineurs, Petit Paul qui en met en scène.
Voici l’intégralité du communiqué du FIBD :
Le Festival International de la Bande Dessinée d’Angoulême a annoncé récemment la programmation d’une exposition consacrée à Bastien L’exposition. Cette annonce a suscité, au cours de ces derniers jours, de nombreuses prises de parole d’internautes. Certaines sont diffamatoires à l’égard de l’auteur concerné et du Festival d’autres, mesurées et argumentées, attestent de la sensibilité et de l’engagement à l’égard de la cause de l’enfance et des femmes, chez celles et ceux qui en sont à l’origine. Ce sont ces dernières que le Festival voulait et veut entendre. Pour cette raison, il avait entrepris de se concerter avec ses partenaires afin d’envisager une prise de position qui les prennent en compte.
Dans ce laps de temps très bref, des faits nouveaux ont radicalement changé la nature de cette situation et imposent dorénavant au Festival la nécessité d’annuler cette exposition. Ainsi, des menaces physiques ont été proférées vis-à-vis de Bastien Vivès. Il n’est dès lors pas possible pour l’événement d’envisager que sa programmation puisse faire peser de tels risques sur un auteur et, potentiellement, dans quelques semaines, sur ses festivaliers. D’autres précédents nous le démontrent. Par ailleurs, des intimidations apparaissent à l’encontre de membres de l’équipe du Festival.
Il appartient désormais aux autorités compétentes de se saisir de la situation. Dans ce contexte, le Festival tient à préciser les points suivants :
- L’exposition qu’il avait prévue de consacrer à Bastien Vivès reposait sur la présentation de créations originales inédites et non – comme l’évoquent de nombreux commentaires fantaisistes – de contenus tirés de son œuvre (le dossier de presse envoyé aux journalistes le 28 novembre dernier en atteste).
- Le Festival considère que l’œuvre de Bastien Vivès, dans son ensemble, relève de la liberté d’expression et qu’il revient à la loi de tracer les frontières dans ce domaine et à la justice de les faire respecter. Le Festival rappelle à cet égard, qu’à sa connaissance, l’auteur, actuellement incriminé sur les réseaux sociaux, n’a fait l’objet d’aucune plainte de quelque nature que ce soit. Il souligne aussi que plusieurs œuvres de Bastien Vivès ont fait et feront l’objet d’adaptations de différentes natures – au cinéma, sur les plateformes, sous forme de séries d’animation… – par différent.e.s artistes et que de nombreux prix lui ont été décernés depuis des années par toutes sortes de jurys.
À ce sujet, le débat en jeu porte sur des questions aussi anciennes que l’art. Celles relatives à la liberté d’expression et de création, à la responsabilité des artistes, aux nécessaires évolutions sociétales, à la morale, aux barrières entre la fiction et le réel, à la censure, et à l’autocensure. Autant de questionnements qui traversent en permanence un événement comme le Festival, impliquant des publics très divers – familles, enfants, enseignants, pédagogues… – et dont la vocation est aussi celle de la mise en avant de créations d’artistes questionnant nos sociétés.
Il paraît indispensable de poser ce débat dans la sérénité. Le Festival le conduira dans le temps de son déroulement via son traitement dans le cadre d’un forum prospectif – où il ne manquera pas de convier certain.ne.s des internautes parties prenantes qui se sont exprimé.e.s récemment en l’interpellant.
- Bastien Vivès a tenu différents propos – étalés dans le temps – qui peuvent paraître à certains et dans l’absolu, très choquants et/ou déplacés : le Festival n’avait pas initialement connaissance de nombre d’entre eux. Compte tenu de la situation, il appartient à l’auteur de s’expliquer, de la manière qu’il jugera opportune, sur leur sens, leur raison d’être et de préciser les circonstances dans lesquelles ils ont été prononcés.
Le Festival espère que son annonce contribuera à ramener de la sérénité dans une situation qui l’exige désormais, et forme des vœux pour que les invectives et menaces cèdent la place au débat. Le Festival rappelle qu’il a précisément vocation, depuis son origine, à être un espace de dialogue et que la culture est un facteur essentiel de rapprochement entre les citoyen.ne.s du monde.
Encore des méchants d’extrême d-roite, qui s’en prennent à un grand artiste!