Alexandre Coutelis à qui l’on doit non seulement en son temps la reprise de Tanguy et Laverdure ou A.D Grand-Rivière, qui a travaillé à Pilote, Fluide Glacial ou l’Écho des Savanes a signé dernièrement, avec Patrice Leconte au scénario, un diptyque Deux passantes dans la nuit, tome 1 Arlette et tome 2 Anna. On a pu revenir au Festival de Saint-Enimie avec Al Coutelis sur ces deux excellents albums qui se passent dans Paris occupé ainsi que sur ses projets dont un très personnel. Propos recueillis par Jean-Laurent TRUC.
Al Coutelis on pourrait revenir sur la génèse de ces deux albums, Deux passantes dans la nuit. Patrice Leconte avait un scénario de film à la base ?
Oui, au départ c’est un film qu’il n’a pas pu financer. Trop cher et compliqué. Je l’ai pendant quatre ans vu travailler sur un Maigret. Il y a plusieurs producteurs, privés, institutionnels, télévision. Il suffit qu’il y en ait un qui se désiste pour que le projet soit abandonné. Les Deux Passantes a été écrit comme film avec Jérôme Tonnerre qui n’est pas intervenu sur la BD. Patrice Leconte m’a proposé de lire le scénario, ce que j’ai fait. Je lui ai dit que j’avais aimé l’histoire car elle tournait autour des deux personnages féminins et le décor parisien ne jouait pas vraiment de rôle. Il m’a demandé si on pouvait le faire en deux albums, j’ai dit oui à condition de récréer un Paris comme le faisait Trauner dans ses décors et qu’on s’accorde surtout à traiter les caractères des deux filles.
Il y a eu une réécriture importante du scénario ?
Oui mais il a suivi la construction narrative du scénario original. A la réflexion si j’avais eu à l’adapter moi-même, ce que j’aurais pu faire, j’aurai supprimé la première partie et aurait commencé au petit matin. Arlette aurait vadrouillé de bar en hôtel jusqu’à ce qu’elle tombe sur le cabaret en soirée. Donc avec un jour de plus dans Paris. J’aurais peut-être dû refaire les décors mais de façon libre sans reconstitution fidèle.
On a fait très vite la comparaison avec La Traversée de Paris avec Gabin, Bourvil, De Funès. Cela ne vous a pas inspiré ?
Cela n’a rien à voir. Mais deux personnages qui se baladent dans Paris occupé on pense bien sûr à la nouvelle de Marcel Aymé et au film. Mais qui ne m’a nullement inspiré. Les récits qui ont eu le plus d’authenticité sur l’Occupation et le comportement des Français c’est Aymé, Jean Dutourd avec au Bon Beurre, des gens de droite curieusement.
Les deux tomes font 150 pages. C’est un beau diptyque.
On a eu une excellente presse, cela s’est bien vendue. Patrice aurait aimé un dessin plus libre à la Blutch mais je ne me sentais pas le faire. J’avais besoin de travailler de façon plus classique et de faire les couleurs moi-même. On a fait des essais avec des coloristes très bons qui ont posé des harmonies parfaites mais qui ne correspondaient pas aux volumes et lumières que j’avais prévues. Ensuite j’avais envie de m’occuper de tout, faire mes choix comme la dernière page du tome 2 très épurée.
Comment étaient les rapports avec Patrice Leconte ?
Je le connais depuis plus de 50 ans. Il a travaillé à Pilote donc cela a été très simple. On s’envoie des SMS en permanence et on s’entend bien tout en ayant des caractères opposés. Lui est un cérébral, un intellectuel mais ce que j’envie chez lui c’est son don de la répartie, du mot d’esprit.
Et maintenant sur quel chantier êtes vous ?
Sur un ouvrage que j’ai en chantier depuis longtemps et que mes fils me poussent à faire. C’est l’histoire de mes parents qui sont arrivés à la fin des années 20 à Paris chassés par la misère. Mon père venait de Grèce et ma mère de Constantinople. Elle partait pour les USA et a rencontré mon père à Paris. Ce ne sera pas une biographie mais leur histoire vue par un petit garçon délicieux et replet que je fus. J’ai additionné tous les petits riens entendus au fil des ans mais jamais noté car j’ai une très bonne mémoire. J’ai écrit chapitre par chapitre mais sans avoir l’idée d’en faire une BD. Je l’ai fait lire chez Bamboo et ils ont été intéressés. Donc il devrait paraître dans un an. Ma langue maternelle est le grec que je parle encore. Mais je suis de culture française mais comme disait Henri Verneuil que les clochers engloutis continuent de sonner. Je suis sensible à la musique grecque entre autre qui me parle, m’émeut. J’ai d’autres projets et on n’existe dans ce métier que par les projets dont le dessin du tome 5 d’A.D Grand-Rivière, reprendre Le Grec aussi.
J’aime beaucoup le travail d’Al Coutelis. Cet interview donne vraiment encire de découvrir ces deux albums