Des actualités qui se bousculent pour Nicolas Juncker. Il y a eu Un Général, des Généraux avec François Boucq, un vrai bonheur malicieux et historique sur le 13 mai 1958, le retour de De Gaulle au pouvoir. Juncker reste dans la grande Histoire mais au départ révolutionnaire, à la bataille de Valmy. Ce n’est qu’un début pour les Mémoires du Dragon Dragon dessiné par Simon Spruyt (une exposition des planches de Dragon Dragon est programmée du 2 au 18 juin 2022 à la galerie des Arts Dessinés à Paris). Un obsédé ce dragon qui va voir la victoire lui sourire, par hasard. Nicolas Juncker s’est confié à Ligne Claire sur son très atypique personnage culotté, avec humour et sincérité. A tous les deux ils sonnent une charge irrésistible. Propos recueillis par Jean-Laurent TRUC.
Nicolas Juncker, d’où sort ce Dragon Dragon ?
En gros c’était l’envie de raconter un récit épique. Des aventures mais décalées avec un héros qui soit aussi un anti-héros. Et le mieux était de lui donner de gros défauts impardonnables, la couardise, la lâcheté, le mensonge, il est voleur et a en prime une obsession sexuelle débordante.
Rien ne lui résiste en effet, du général à la cantinière ou autres dragons. Il donne beaucoup ce dragon. Il est contre la violence mais c’est un maître-chanteur. Il va se fondre dans la grande histoire dont la bataille de Valmy ?
C’est une relecture des évènements historiques, comique bien sûr, mais sur des bases qui s’appuient sur des mythes, des sortes de légendes urbaines dont celles qui circulent autour de la bataille de Valmy, que ce soit le vol des bijoux royaux, Danton, les francs-maçons, les arrangements avec l’ennemi. Du coup Dragon va être mêlé à tout ça, vivre les grandes batailles, Napoléon arrivera et il aura ensuite un rôle primordial.
Dragon est un opportuniste avant tout ?
Oui mais gaffeur. Mais ce qu’il prévoit ne marche pas mais provoque des réactions en chaine. Dont il tire profit. Il accumule les gaffes avec comme seul but le sexe et l’argent mais il rencontre des personnages historiques ou gagne des batailles sans le vouloir. Il est de plus en plus apprécié. A plus d’un titre (rires).
C’était la période qui vous tentait, le personnage et vous avez eu besoin d’une forte documentation ? Le récit est très précis.
On trouve facilement tout ça mais ce n’était pas de décrire Valmy heure par heure qui m’intéressait. Plutôt les à-côtés. J’aime bien avoir un point de vue décalé et ce qui m’amusait était de voir un général bidon brûlé vif par ses hommes ou des dragons face aux Autrichiens. Tout est vrai. Il y aura à la fin de l’album un dossier historique. Valmy n’a pas été considéré comme une grande bataille. On l’a oubliée parce que c’était une victoire bizarre. Impossible qu’une poignée de Français puisse battre la puissante armée coalisée. Il y a eu des rumeurs, les rangs ennemis décimés par la dysenterie et ce trafic de bijoux. Peu avant, tout le trésor royal français disparait. Danton est ministre de la justice et on ne retrouve pas les bijoux. Danton est proche de Dumouriez qui commande les Français, connait Brunswick, Kellermann est franc-maçon. On dit qu’on a donné les bijoux à Brunswick pour perdre à Valmy.
Valmy c’est quand même la grande victoire française de la Révolution ?
Oui mais on s’est posé des questions dès le départ. Après il y a eu Jemmapes en novembre 1792 qui a été une vraie victoire. Valmy est revenue sur la scène quand Louis-Philippe remonte sur le trône car il s’y est battu. Un roi presque républicain.
On dirait du Courteline ce Dragon Dragon ?
Je le prends comme un compliment. Dragon retombe toujours sur ses pattes.
Le dessinateur est Simon Spruyt. Comment est-il arrivé dans l’aventure ?
Comme pour Boucq avec Un Général. Le Lombard me l’a proposé. J’avais envoyé le scénario un peu pour rigoler sans dessinateur en tête. Ils ont aimé. Je le connaissais depuis longtemps. Il a voulu sortir de son registre habituel et ça a marché.
Votre duo fonctionne bien. Dragon est très crédible physiquement, les décors, les ambiances.
J’ai eu un peu peur au départ que cela ne marche pas. En fait Simon Spruyt est très vif. J’ai écrit une nouvelle de 40 pages avec dialogues et descriptions. Mais pas de découpage. Il m’envoyait les story-boards et je pouvais réagir. Simon attaquait ensuite les planches. C’est une farce tragique qui tourne mal. Dragon n’a aucun sens moral. Il ne recule devant rien mais il fallait qu’il soit aussi attachant. Il a du panache, il est beau, il a du répondant. Sur un malentendu il peut devenir un héros.
Il nage dans une mer pleine de requins.
Une grande magouille la Révolution à cette époque, exaltés et profiteurs qui l’emporteront à la mort de Robespierre. Dans le tome 2 en Belgique, on suivra Dumouriez et son coup d’état, Danton. Là en septembre 1792, on est après Varennes, le roi est en prison. Brunswick a écrit son manifeste dicté par Fersen. Libérez le roi ou on envahit la France. Dragon surfe parmi des grands noms. On est parti sur trois albums et on va avancer sur fond de grande Histoire.
Le dessin est bien adapté au scénario.
Spruyt a rajouté des gravures d’époque dans les scènes. Ce sont des clins d’œil stylistiques bien vus.
Il n’y a pas d’héroïne ? Le moulin de Valmy détruit au canon c’est vrai ?
Non, rien de prévu côté femmes. Mais Valmy c’est authentique. La cible était trop évidente pour les Autrichiens. Les Français l’on détruit au canon.
Dragon est un héros d’exception dans une comédie dramatique.
Il est fascinant. On est dur pour ces personnages historiques, un peu comme dans un Général mais ce sont des bouffons. Pour Dragon, je voulais qu’il saute sur tout ce qui bouge, un hyper-sexuel, et un trouillard. Il peut tuer mais essaye d’éviter la violence. Il est faux-cul. Une synthèse.
Vous persévérez dans le scénario ou voulez revenir au dessin ?
Pour l’instant c’est Dragon ma priorité mais j’ai aussi mon projet sur la Guerre d’Algérie vers 2023.
Le Général marche bien ?
Oui, on a beaucoup de retours positifs. Un deuxième tirage est prévu. L’album fonctionne bien et il y a Boucq au dessin.
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