Le roman graphique de Julien Revenu, Ligne B, pourrait être un exorcisme mais au ton de drame mortel, sans retour. Son héros, à l’automne 2005, celui d’un nouvel embrasement des banlieues, est une victime comme tant d’autres, cible facile de petits truands au QI d’huitre, malfaisants notoires et ordinaires, dangereux. Laurent pourrait être n’importe lequel d’entre nous, un type sans espoir qui va ruer dans les brancards. Pour le pire. Une vraie émotion se détache du récit de Julien Revenu, poussée au rouge vif. Revenu sera en dédicace le 23 mai à la librairie Azimuts à Montpellier.
Il vend des téléphones, Laurent. Il a un chef de rayon dictatorial et bête, une femme qui lui en veut de son indécision notoire et, heureusement, une petite fille qu’il aime. Depuis son enfance Laurent a appris à être soumis, pas faire de vagues. Racketté, il donne son argent, son téléphone, seul devant l’indifférence des autres, témoins invisibles. Et puis, un jour, il en a marre Laurent et dans le RER il y a l’agression qui fait déborder le vase. L’agneau va mordre mais cela ne s’improvise pas et, en plein début de guerre civile, il y a des risques qui peuvent être mortels.
Qui n’a pas vécu, témoin ou acteur, une situation identique à celles que vit Laurent ? Au collège, au lycée ou même dans son entreprise, dans le métro ? Un regard de trop. C’est ce constat qui fait peur. Lâcheté compréhensible, individuelle ou collective par peu, face à des petits monstres dont le seul destin est, au mieux, de finir derrière des barreaux. A qui la faute ? A eux, pas à la société, au moins pour une grande majorité. Qu’on ne vienne pas parler d’éducation, de parents sans autorité, d’état qui culpabilise ou de bons sentiments de politiques qui ne représentent plus qu’eux-mêmes.
C’est le quotidien de Laurent, victime qui a droit à la double peine. Avec au bout de la route la porte ouverte aux extrêmes et une répression qui satisfera le plus grand nombre. Toute l’ambiguïté est là. A méditer car des Laurent pourraient aussi se lever en masse ou, fermer les yeux. Le récit de Julien Revenu, si sincère et honnête qu’il peut en être maladroit, interpelle.
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