Une petite fille qui par hasard tire un rideau derrière lequel elle va découvrir en le comprenant un secret d’adulte, les années 30 en France, la guerre, l’Occupation, Vichy régime fasciste odieux, et un rideau encore qui lui s’ouvrira au final. L’album de Sara Del Giudice est un rare moment de belle écriture, de dessin clair, d’émotion violente, de tristesse profonde auquel on s’accroche, car il y a toute la douceur de l’enfance mais aussi sa compréhension que tout peut basculer en une fraction de seconde. C’est le premier album en France de Sara Del Giudice et on pense inévitablement à La Vie est belle.
Yaël a huit ans en Provence en 1937 et on fête avec toute la famille son anniversaire. Son papa on le surnomme le Goy, celui qui n’est pas juif surtout quand il en a épousé une. La maman de Yaël ne supporte pas ce mot mais l’explique à sa fille. Elle est malade sa maman et sa petite sœur Émilie se demande si elle va mourir. Mais on joue à cache-cache avec le cousin Julien. Yaël compte et cherche les autres, entend du bruit dans la chambre d’amis, tire la grand rideau vert et tombe sur une jeune femme blonde avec son papa. Elle se tait Yaël croyant que son père s’expliquerait, en parlerait . Motus et Yaël comprend avec son instinct d’enfant que sa mère ne doit rien savoir. Elle mourra deux jours plus tard. 1939, les filles apprennent de leur père qu’il va se remarier avec une jeune femme blonde. Mariage avec Ophélie gentille mais un peu cruche, vacances à la campagne avec Julien, conflit avec les grands-parents, les hébreux comme dit le garçon. On parle beaucoup d’un certain Hitler, de guerre, d’antisémitisme. Mais c’est quoi ça ?
La progression narrative est un modèle du genre car elle est à l’image de ce qu’a été l’époque. La négation de la réalité, du possible, des lois juives françaises que Vichy aggravera par rapport à ce que demande les Allemands. Juif ou pas, la frontière est mince pour les enfants. Yaël est un petit témoin de moins en moins innocent d’une grande Histoire qui va la dépasser mais dont elle ressent tous les dangers, la mort qui rode. On passe par toutes les étapes, la lâcheté, les bombardements, le statut aggravé des Juifs, les collabos dénonciateurs, la Police assistante de la Gestapo, les rafles, la Résistance, la France en elle même. Une décharge à la fois nécessaire et vraiment bouleversante. Le pire n’est jamais exclu.
Derrière le rideau, Dargaud, 18 €
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