Pour la médecine de guerre en Indochine, en particulier pour Diên Biên Phu en 1954, c’est le nom du commandant Grauwin qui est le plus souvent cité. On pensera aussi au médecin lieutenant Patrice de Carfort du 8e Bataillon de Paras coloniaux fait prisonnier dans le camp retranché comme Grauwin et la plupart de l’antenne chirurgicale. La Une de l’album fait en fait penser à une célèbre photo de lui au combat. Il faut y ajouter le lieutenant Jacques Gindrey déjà grand résistant pendant la guerre, qui va lui aussi rejoindre comme chirurgien l’antenne de Grauwin. Le Chirurgien de Diên Biên Phu est son histoire mais aussi celle d’une bataille à la fois écrasante par le courage, la détermination, l’abnégation des combattants que par son idiotie due à un état-major incompétent qui avait pris pour modèle une victoire française au Vietnam à Na-San en 1952 pour tenter de récidiver avec un mépris total des conditions stratégiques, des qualités opérationnelles de l’adversaire Vietminh. Jean-Pierre Pécau a fait revivre avec un vraie émotion bataille et destins humains, sacrifices consentis de ces paras qui sautent pour l’honneur sur la cuvette parfois sans être brevetés. Le dessin de Vladimir Davidenko aurait pu être plus précis, documenté. On voit mal le général De Castries porter un képi à quatre étoiles alors qu’il vient d’être promu de colonel à deux étoiles. Mais après tout ce qui compte avant tout c’est l’hommage à Gindrey, médecin de l’extrême, sauveur de vies dans la fournaise et à ses frères d’arme.
Novembre 1953 l’opération Castor installe à Ðiện Biên Phủ un énorme camp retranché français non loin du Laos en espérant que le général Viet Giap va venir s’y casser les dents. Une cuvette Diên Biên Phu et donc pour protéger le périmètre et la piste d’atterrissage il faut tenir les hauteurs ou au moins avoir une artillerie qui le fasse. Il va falloir aussi soigner les blessés et donc avoir des chirurgiens militaires sur place. Le lieutenant Paul Gindrey à Hanoï est désigné pour la cuvette, marié et bientôt papa. La bataille n’a pas encore commencée et Gindrey est accueilli par Grauwin dans des locaux préparés à recevoir et opérer les blessés qui seront théoriquement évacués par Dakota. Gindrey prend la mesure du camp retranché et fait la connaissance d’un légionnaire ancien de le Wehrmacht, Klimt. Avant l’attaque Gindrez va soigner aussi la population locale tout en se demandant ce qu’on fait là. Le 13 mars l’enfer se déchaine.
La suite il faut la vivre avec Gindrey ou Grauwin, avec les blessés et les mourants jusqu’à la fin, puis la longue marche, la captivité, les quelques évadés et la colonne de secours qui n’arrivera jamais, le refus américain d’une aide musclée donc atomique. Les USA attendent de prendre la place de la France. On va croiser de grands noms au fils des pages, Bigeard, Botella, Piroth ou Schoendoerffer qui écrira la 317e Section et fera un film sur la bataille. On dira à Pécau que les journalistes sont bien venus à Diên Biên Phu, y sont restés puis partis peu de jours avant la bataille car il ne se passait rien comme mon amie Brigitte Friang qui l’a toujours regrettée et non pas car elle était une femme, elle qui avait sauté souvent en opération en Indochine, ancienne résistante déportée et reporter au Service Presse Information. Elle sera à Suez, la guerre des six jours, Khe San. Peraud a été tué, on se souviendra de Camus, Ferrari, Coutard. 3209 prisonniers seront faits dont 72% mourront.
Histoire et destins, Le chirurgien de Diên Biên Phu, Éditions Delcourt, 15,50 €
Une surprise. Ma fille va l acheter . Jacques GINDREY était son grand-père.
Merci pour cet hommage.