On l’a dit il y a peu, les élections présidentielles de ce printemps, la politique inspirent la BD. Encore qu’un certain Poutine soit venu rebattre les cartes avec son invasion inacceptable, terrifiante de l’Ukraine. Mais c’est un autre sujet (on a la mémoire courte en France) non sans conséquences lourdes cependant sur notre politique intérieure. On va donc évoquer un bilan à charge mené tambour battant sur le quinquennat d’Emmanuel Macron. Res Publica annonce la couleur dès la couverture : cinq ans de résistance 2017-2021. On y ajoute une autre somme qui fait suite à À Bâbord toute ! ou l’histoire de la gauche en France. Parlons évidemment de la droite en BD avec À Tribord, toute ! A la manœuvre, à la barre, Le Naour et l’excellent Marko comme dans l’épisode précédent. Tout tangue mais on maintient le cap comme on peut. Et cette fois à droite dans les deux cas. Y’a quand même du soucis à se faire.

David Chauvel qui déjà parlait indirectement de politique avec Robilar s’offre en compagnie graphique de Malo Kerfriden (auteur du remarquable L’Abolition avec Marie Gloris Bardiaux-Vaïente) un Emmanuel Macron tout cru dans Res Publica. On pourrait au départ penser à une biographie. Emmanuel, sa vie, ses amours, ses études mais en fait ce sont ses ambitions avouées ou dictées par le hasard, ses discours, ses promesses, ses actes. La France et Macron sont passées au peigne fin avec on le dit une fougue qui accroche souvent. Ouvrir déjà un ouvrage pareil par une citation de Robespierre qui dit « gardez-vous de penser que les destinées du peuples soient attachées à quelques hommes » c’est osé dans le genre avec un maître solitaire de la terreur institutionnalisée. Passons.

Macron grandit vite, se place, fait sa place, monte son équipe et peut dire merci au Canard qui détruit Fillon. La place est libre sinon la face de la politique française en eut été changée. Attali aux anges, Macron en marche, Macron dégomme Le Pen, Macron c’est Zorro. Il est élu disent les auteurs par trois millions de Français sur 66 millions si on tient compte de l’abstention. Ensuite tous les grands et petits moments, personnages clés, copinages, gouvernement lisse, phrases choc, conflits internes, démissions, y a de la rumba dans l’air pour Macron sur son projet néo-libéral comme le qualifie les auteurs. Gilets jaunes qui débarquent, se plantent, se battent, sont dépassés, sans structures, ne mènent nulle part, Covid et compagnie avec en 2020 des guignols gouvernementaux qui disent n’importe quoi mais s’en sortent, il est fort Macron en fait. Il va être réélu on le sait. Édouard Philippe prépare sa suite. Ses adversaires sont lâchés. L’ouvrage est pourtant important mais déjà en partie dépassé par une actualité internationale impitoyable.

Res Publica, 5 ans de résistance, 2017-2021, Delcourt, 29,95 €

À Tribord, toute ! c’est avant tout une leçon d’Histoire de France rédigée par un historien, ce qui change le débat. Le Naour remonte aux sources, aux Lumières, à la droite avant la droite au XVIIIe siècle. Toute puissance divine, à mort la résistance, l’Encyclopédie et vive la religion. On part de loin, du pouvoir absolu qui va faire face aux idées nouvelles. Despotisme éclairé, on comprend mieux, on réapprend les bases. 1789 évidemment, véto royal et son droit, le mot est lâché. A droite les aristos, à gauche les patriotes. Et c’est parti. Égalité à gauche, liberté à droite. On joue sur les mots mais on coupe les têtes. Terreur, Directoire, on en passe. Empire enfin tout quoi pour en arriver à ces débats idéologiques qui vont fleurir, s’épandre, baigner dans le sang parfois.

Marko jubile du crayon, attaque, pique, démontre, caricature. Napoléon III puis la Commune, à droite un Thiers, presse censurée et le mur des Fusillés. La droite s’affirme, confirme même si la République tient la route. La gauche peut aussi passer à droite (de nos jours c’est d’un banal). Boulanger aurait pu avoir le pouvoir. La suite, celle du XXe, on la connait mieux. Maurras, De Gobineau, Barrés, un Maréchal, un Général. On la déguste cette histoire de la droite sur un air d’accordéon giscardien. Et le petit dernier Emmanuel libéralisme moderne (voir plus haut) après un autre petit Sarko, un grand Chirac. Et après ? Beaucoup d’humour et que du vrai pourtant dans cette droite à facettes multiples. On découvre, on apprend ou on réapprend. Le travail des deux auteurs est un bienfait. L’impression enfin de comprendre qu’on a rien compris au jeu subtil de nos politiques qui nous baladent encore et toujours.

À Tribord, toute ! Histoire de la droite en BD, Dunod Éditions, 18,90 €