Un nouvel album de Nicolas Debon est toujours un évènement. Que ce soit avec Le Tour des Géants, superbe envolée en compagnie des pionniers du Tour de France, ou avec L’Invention du Vide, voyage au sommet de l’alpinisme avant la lettre, il sait à chaque fois toucher esprit et âme de ses lecteurs. Aujourd’hui, Nicolas Debon trace les contours d’un homme, comme d’habitude, d’exception, de foi et de conviction. L’Essai revient sur le projet fou qui pourtant va se matérialiser en 1903 de Fortuné Henry. Une communauté anarchiste et communiste, relatif paradoxe, va ouvrir ses portes dans les Ardennes. Nicolas Debon, à fines touches, peintre des mœurs d’une société qui se cherche, en dévoile les contours, les espoirs et les déconvenues.
Une immense clairière, à Aiglemont, où il n’y a rien, en juin 1903, Fortuné Henry l’a achetée dans les Ardennes. Son but, y créer une communauté sans hiérarchie, « la colonie initiale de l’humanité future ». Le frère de Fortuné à été guillotiné pour attentat anarchiste. Lui croit en la solidarité, au partage, au refus de l’exploitation, même si les gens du coin le prennent pour un fada. Pourtant, peu à peu, des couples rejoignent Fortuné et tous travaillent dans des conditions difficiles sur une terre dure, sous un climat implacable. Une première bâtisse est construite, les récoltes rentrent. Fortuné va aussi rencontrer l’amour. La colonie libertaire dont Fortuné a rêvé existe enfin.
Fortuné Henry, l’anarchiste qui préférait la paix aux bombes, a été rattrapé par lui-même. Quand on suit le récit de Nicolas Debon, à la fois narration mais aussi enquête, on comprend que Fortuné reste le patron et que, hors lui, point de salut. Il quitte le monde réel pour créer une sorte d’utopie bienveillante mais ne peut renier son sens de l’autorité, impose et accepte mal la contradiction. L’échec et l’abandon seront au bout de la route, un peu comme sur le Larzac beaucoup plus récemment.
Nicolas Debon sait faire co-habiter réalisme et envolée graphique soulignée par une couleur directe qui rend toute les nuances de son histoire. On sent que Nicolas Debon est triste que le projet de Fortuné Henry ait échoué. Grâce à lui il en restera pourtant cette belle chronique émouvante et humaine.
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