Des dessins et des voyages, un carnet signé Christophe Blain, des traits auxquels ne nous avait pas habitué l’auteur d’Isaac le Pirate ou autre Quai d’Orsay. Encore que ce dernier titre était lui aussi en quelque sorte un voyage. Des croquis réédités parus en 1997 et 2005 et on l’avoue un peu oublié. Bien dommage car ces escapades en Lettonie et dans le Cercle Polaire méritaient qu’on les retrouve. C’est fait dans un livret à l’italienne toilé où elles ont été rassemblées et qu’il faut absolument découvrir ou relire, retrouver, étonné et séduit. Sans oublier l’exposition dont Blain est le héros à Angoulême pour le festival en mars.
De Riga aux villages de pêcheurs, des paysages figés par la neige ou verdoyant en été, Lettons, Russes, Blain décrypte les paysages, aligne les images qui prennent vie. Il partira aussi pour la base Dumont-Durville en Antarctique où il va partager la vie des scientifiques pendant six semaines. Il le dit lui-même dans sa préface Christophe Blain. Les conditions extrêmes il adorait quand il était étudiant. Deux méthodes différentes pour les deux carnets rassemblés en un seul. Dessin sur le vif mais d’ordinaire on ne fait pas la couleur en direct. Blain au contraire avait sa mini-palette en plein hiver en Lettonie. Mais se rendra compte aussi que la couleur n’est pas toujours utile ensuite.
On part donc à sa suite, dans son carnet que l’on feuillette, où se révèle ambiances, paysages, personnages lointains, portraits sans sourire ou navires dans des ports lointains. La neige et ses toits de maisons calfeutrées sous un ciel gris, des forêts immaculées où tranchent les troncs noirs des arbres, la ville est là aussi, Blain dessine, capte les humeurs, les sentiments qui flottent. On ne dira jamais assez que Christophe Blain est un talent, un grand qui sait de quelques coups de crayons, d’encre et de pinceaux émouvoir, poète subtil et aventurier de l’art.
Christophe Blain, dessiner le temps s’expose à Angoulême
A Angoulême (49e édition du 17 au 20 mars 2022), Christophe Blain se voit cette année consacrer une grande rétrospective. L’occasion de (re)découvrir la maestria de son dessin, dont l’énergie transcende chaque séquence qu’il met en scène. Placée sous le signe du cinéma, cette exposition illustre également l’omniprésence du 7e art dans ses œuvres.
Voici ce qu’en dit le site du Festival. Les deux tomes de Quai d’Orsay (Dargaud, 2010 et 2011) sont un condensé de ce qui fait l’art de Christophe Blain : un trait virtuose, une attention portée au rythme des dialogues et à la gestuelle des personnages et, surtout, une énergie folle qui se dégage de chaque planche. Ni le public, ni la critique ne s’y sont trompés. En 2013, le tome 2 de Quai d’Orsay (coscénarisé par Abel Lanzac) a décroché le Fauve d’or au Festival d’Angoulême, quelques mois avant la sortie en salles de son adaptation cinématographique. Un événement qui a remis en lumière l’autre passion dévorante de Christophe Blain : le 7e art. Omniprésent dans ses œuvres, c’est l’une des obsessions du dessinateur. En feuilletant les pages du Réducteur de vitesse (Dupuis, 1999), d’Isaac le pirate (Dargaud, 1999 à 2005 – Prix du Meilleur Album à Angoulême en 2002 pour le premier volume), ou encore d’un Donjon Potron-Minet, (Delcourt, 2001) les cinéphiles remarqueront des visages empruntés à des acteurs, notamment américains, ou encore des scènes inspirées des films qui le hantent, tels que Butch Cassidy et le Kid de George Roy Hill, Rio Bravo d’Howard Hawks, La Sirène du Mississipi de François Truffaut, ou encore Le Bonheur d’Agnès Varda.
Un genre suscite particulièrement l’admiration de Christophe Blain : le western. Il explore ce paradis perdu à travers sa série Gus, et plus récemment avec sa reprise de Blueberry (Dargaud, 2019), aux côtés de Joann Sfar. Ainsi, parce qu’il n’est pas un de ses albums qui n’ait une motivation forte de cinéma, le Festival d’Angoulême a fait appel aux films fétiches de Christophe Blain pour décrypter son processus de création. Un fil rouge et souterrain qui permet d’aborder les différentes thématiques qui lui sont chères, comme les océans et le Paris interlope dans Isaac le pirate, le western sentimental et mélancolique dans Gus (Dargaud, 2007 à 2017), les femmes fortes et indépendantes dans La Fille (Gallimard, 2013) (et plus généralement dans l’ensemble de son œuvre), la vie politique dans Quai d’Orsay, la gastronomie dans En cuisine avec Alain Passard (Gallimard BD, 2011), ou encore le dérèglement climatique dans Le Monde sans fin (Dargaud,2021).
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