De Gaétan Nocq que l’on avait rencontré pour Soleil brûlant en Algérie, on se souvient du poignant Rapport W déjà publié chez Maghen. Avec Les Grands cerfs, il revient avec une histoire qui est aussi à sa façon un récit où il y a des hommes qui se battent, traquent, une guerre de pouvoirs, celui qu’il faut avoir contre des animaux qui envahissent leur territoire. Nocq a adapté le roman de Claudie Hunziger. Une femme dans les Vosges va tenter de comprendre, se rapprocher des hardes de cerfs qui y vivent, sont éliminés par décisions légales. Une immersion totale à laquelle le dessin et son sens pointu, direct de la narration donnent une force où l’émotion domine face à notre inégalable froideur. Et une œuvre enchantée graphiquement.
Paris-Colmar et les hautes-Huttes dans les Vosges, Pamina rejoint Nils son compagnon dans sa métairie quand dans la pénombre sur la route surgit un grand cerf, celui qu’on appelle Wow. Léo, lui, prend des photos de cerfs et arrive sur la métairie de Pamina qui est sur le passage d’un clan. Pour lui, voir les cerfs c’est voir l’invisible. Il sait tout d’eux et veut construire une cabane d’affut. Il en laisse une clé à Pamina qui décide d’y entrer. Un point de vue stratégique. Elle y prend goût et revient souvent. Deux mois plus tard elle rencontre Léo à nouveau qui lui explique comment se comporte le clan, le combat des chefs et la saison des amours. Mais des cerfs vont être tirés par décision de l’ONF. Wow a été abattu.
C’est presque une quête mystique que mène le héros et à laquelle adhère Pamina mais transposée dans un monde pragmatique. Cela va virer à une certaine forme d’obsession qui se matérialisera par des rencontres inoubliables avec la harde, une progression dans l’initiation qui aura sa récompense et ses moments de tristesse. Les couleurs comme toujours chez Nocq sont primordiales, jouent avec les ambiances, subliment le récit. C’est aussi une leçon car on apprend beaucoup au fil des pages sur ces grands cerfs, sur la faune de montagnes vosgiennes et les règles d’abattage imposées pour cause de protection des conifères que mangent les cerfs. L’État décide du nombre de cerfs qu’il faut tuer pour protéger le rendement de la forêt. Confédération des Chasseurs, ONF, Pamina ira aux sources même de ces puissants lobbies. Nocq fait donc aussi avec cette adaptation un travail d’enquête et livre ses résultats. Comptage, chasse, Pamina sera la dame aux cerfs, rebelle. Superbe une fois de plus et d’une certaine façon bouleversant.
Les Grands cerfs, Daniel Maghen, 29 €
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