De quoi avoir quelques bouffées nostalgiques. Au moins pour ceux qui ont découvert les USA à la fin des années soixante-dix, quand les Américains ne se relevaient pas encore de la chute de Saigon, que New-York et la 42e rue étaient sans foi ni loi, que la côte ouest n’était pas encore connue pour sa Silicon Valley. Entre les deux, l’inconnu que Eric Cartier a traversée avec sa copine, sans un rond. Sa Route 78 est une vraie expérience, fascinante, celle du stop et des rencontres improbables dans une Amérique qui, quoiqu’on en dise en 2015, avait une âme si ce n’est des états d’âme, sur fond de joints et de déglingués de la vie.
Arrivés avec un petit pécule à New-York, Pat et Eric campent dans Washington Square. C’est le début d’une grande odyssée qui va les mener, tant bien que mal vers San Francisco. Si tous les chemins convergent vers Rome, ils vont s’apercevoir que selon les camions ou les voitures qui les chargent, c’est vrai aussi pour Frisco. De vétérans disjonctés à des musiciens zonards, le jeune couple découvre aussi bien La Nouvelle Orléans crade à souhait que El Paso. Des tarés, ils vont en rencontrer pas mal mais la magie US est là.
Les portraits sont tellement authentiques. Il faut avoir vadrouillé là-bas à cette époque. On n’est plus dans les années soixante et les jolies fleurs dans les cheveux mais on n’est pas encore à la fin des années quatre-vingt-dix où la mentalité a bien dérapé. Impression très personnelle après une trentaine de séjours de 1978 à 1998. Partout et aussi bien en reportage qu’en vadrouille. On s’y sent avec Eric et Pat, sauf qu’il valait mieux avoir des points de chute et d’accueil « normaux ». Ce qui permettait d’éviter ce qu’ils ont connu comme, lointain souvenir, la gare Greyhound de Miami à minuit aux toilettes bourrées de mecs pas nets. Mais tout cela passait bien quand, comme eux, on s’aimait et qu’on avait une tendresse aveugle pour le pays.
Route 78, Delcourt Mirages, 19,99 €
WOAW! Que dire d’autre que merci, brother…thanx a zillion times !