Qui se souvient de Gregor Gog ? En 1927 cet anarchiste crée la confrérie internationale des vagabonds, résultat d’un parcours intellectuel, social, physique hors du commun. Gor est allemand, bourlingueur, marin de l’Empereur Guillaume, libre par dessus tout et se fera peu à peu un nom dans l’environnement chaotique de la République de Weimar à la veille du nazisme dont il sera une victime. La vie de Gog est une saga unique que Patrick Spät au scénario et Bea Davies au dessin, et quel talent, ont sorti de l’ombre. Une découverte pour le plus grand nombre d’un héros qui ira au bout d’un destin où jamais il ne trahira ses idées.
Un lac gelé, des Doberman et des Schupos, Gregor et un ami sous la neige fuient vers la Suisse une Allemagne devenue nazie. Mais quand il était jeune Gregor Gog est déjà un empêcheur de tourner en rond qui délaisse une famille qui le verrait bien curé. Gog veut prendre la mer et s’insurge contre toutes les inégalités. A 19 ans, il se débrouille pour se faire embarquer comme matelot de la marine impériale. Il va voir la Chine, le Japon, l’Inde mais en 1914 la guerre éclate. Pas question pour lui de tuer son prochain et se lie d’amitié avec d’autres marins qui détestent la guerre. Il lit Bakounine, Tolstoi mais se retrouve devant un tribunal militaire. Direction l’asile car on considère en Allemagne les réfractaires comme des malades mentaux.
La liberté avant tout, la révolte gronde à la chute du Kaiser. Gog crée une communauté près de Stuttgart. Dès lors sa vie ne cessera d’être un combat pour imposer le vagabondage comme mode d’existence. Et même en famille. Il y aura bien sûr la compétition avec les communistes. Gog ne viendra à eux que tardivement. Grève générale à vie, une devise qu’on lui doit. Pas de domination de l’homme ou d’un parti. Il va marcher, parler, rassembler les vagabonds, se heurter au pouvoir, cet utopiste qui avait la foi chevillée au corps. avec son petit air à la Charlot. Cet album est un petit bonheur, la découverte d’un homme hors du commun qui voulait que l’humanité devienne meilleure. Il en payé le prix. Le dessin est d’une force rare, expressionniste, captivant.
Le Roi des vagabonds, Dargaud/Seuil, 19,90 €
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