Dire qu’on a entre les mains un de ces inclassables objets du désir, un étrange et parfois ubuesque projet qui oblige à s’accrocher aux branches pour ne pas être attiré par un vide sans fin, c’est bien le moins. Et pourtant mérite le détour. La Femme Surréaliste est l’enfant naturel mort-né de Salvador Dali et des Marx Brothers, pratiquement au sens propre du terme. Ils avaient voulu faire un film qui n’a jamais vu le jour pour maintes raisons et qu’aujourd’hui on peut découvrir sous forme d’une BD. Ce sont les carnets de croquis et de notes du mari de Gala qui ont parlé, avoué la vérité sur ce film qui ne sera jamais tourné mais a vraiment été conçu par un Dali en grande forme qui rejoignait d’un trait l’humour baroque et bien sûr surréaliste des Marx.
Pour faire revivre ou au moins vivre le fantôme, il y a eu au départ le journaliste Josh Frank qui se dit dans sa préface un archéologue de la pop culture. Il va faire un vrai travail de bénédictin sur La Femme Surréaliste et en reprendre le scénario avec Tim Heidecker. C’est lui qui va adapter cet OVNI. Restait à trouver le réalisateur comme dit Franck, le dessinateur. Ce sera Manuela Pertega à Barcelone. Mais que racontait donc ce film oublié ? ET c’est là aussi qu’il faut bien serrer sa ceinture, attention turbulences.
Un homme d’affaires génial, Jimmy, mais insaisissable, en 1937, à New-York a un empire à faire tourner. Il a une maîtresse qui le trompe, Linda, vulgaire et snob. Ils vont un soir au Phonix où tous parle d’une mystérieuse créature, duchesse potentielle, richissime, la Femme Surréaliste. Ses entrées et ses sorties sont mythiques et couteraient une fortune. Mais personne ne l’a jamais vue. Jimmy rêve de faire sa connaissance. A l’entrée du club arrive une limousine magnifique conduite par Groucho Marx flanqué de Harpo. Enfin apparait la divine créature.
Si les Marx sont bien de la fête, l’univers de Dali tient les rênes. C’est tout au crédit des auteurs adaptateurs, dont la dessinatrice élément clé, d’avoir réussi à finalement mettre au monde cette histoire d’amour et de passion sublimée artistiquement. L’amour ennemi de la productivité, Groucho qui joue au golf avec une main céleste qui tient son cigare, on va de coups d’éclats à coups de cœur, à une accumulation de sensations multiples qui finissent par former un récit certes décalé mais bien réel. Dire qu’ensuite on ne reste pas sans voix, il faut le lire pour le dire. Un monument burlesque, enjoué et libre de toutes contraintes. Extraits des carnets de Dali et script original en fin d’album.
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