On avait interviewé Alex W. Inker pour son remarquable, remarqué, Travail comme un autre. Il avait déjà évoqué il y a un an qu’il ferait un album sur la tragédie de Fourmies : « Je rentre chez moi dans le Nord de la France et je travaille sur la fusillade de Fourmies où la troupe a tiré sur les ouvriers à la fin du XIXe. Ensuite je reviendrai sur un projet plus proche d’Un travail comme un autre. Mais là je fais une parenthèse avec ce sujet historique. » C’est fait. Fourmies la Rouge vient de paraître et, une fois de plus, on est étourdi par le talent d’Inker capable de se réinventer d’un titre à l’autre, ne jamais tomber dans le déjà vu ou la facilité de l’instant. Avec Fourmies la Rouge il borde ses cases de noir, utilise deux couleurs, assombrit le ciel qui va recouvrir de ses nuages un drame social sanglant et ses héros anonymes, d’un petit Gavroche à une jeune fille souriante, Maria qui vont tomber sous les balles.
On se prépare à une journée qui fera date, les ouvrières, les ouvriers de la cité textile de Fourmies dans le Nord vont se rassembler, défiler pour avoir la journée de huit heures. Maria va y aller, elle en assez de travailler comme une bagnarde. Ce sera tout ou rien. Un 1er mai 1891 de revendications (c’est la première fois), Kléber amoureux de Louise, un leader syndicaliste qui met le feu aux poudres contre patronat et bourgeoisie. Des tracts avant l’action et le petit Émile qui abandonne sa partie de pêche. Le gendarmes à bicorne gardent les entrées de l’usine et va charger à cheval, arrêter des ouvriers. L’armée a été appelée en renfort par le maire, les patrons. Beaucoup de soldats sont originaires de la région.
La suite ce sera un massacre gratuit, odieux. Neuf morts, innocents abattus par la troupe, ils deviennent les premiers martyrs de la cause socialiste. Clemenceau ira de son couplet larmoyant et se distinguera à son tour par son intransigeance lors de la crise viticole de 1907. Jaurès viendra. Inker, qui est de Fourmies, élevé dans le milieu des filatures, a donné un souffle, une émotion écrasante à ses planches souvent pleine page, à son dessin. Un album que l’on sent important pour Inker comme il nous l’avait dit, dans lequel il s’est tour donné, un hommage aussi à Maria qui restera l’égérie de cette tragédie.
Fourmies la Rouge, Sarbacane, 19,50 €
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