Les trois volumes écrits par Catherine Bardon sont à la fois une saga sans temps mort, haletante mais aussi un rappel de l’un des plus étonnants plan de sauvetage de Juifs allemands ou autrichiens avant la guerre. Les Déracinés racontent à travers la vie, le destin, les espoirs et les drames que vont vivre Almah et Wilhem, comment le dictateur de la République Dominicaine Trujillo va offrir 100 000 visas à des Juifs qui vont venir sur l’île fonder une colonie. Ce sera une expérience décisive pour étudier les futurs kibboutz quand Israël verra le jour. C’est Winoc au dessin avec Catherine Bardon qui ont adapté le roman dans le cadre désormais bien rodé des éditions Philéas dont c’est la base même.
1935 à Vienne, Almah et Wilhem se marient. Mais Heinrich aurait bien pris la place de Wilhem journaliste engagé et juif. Hitler est au pouvoir et l’Autriche est sa cible. Il veut l’absorber dans le Reich et déjà à Vienne des nazis locaux interviennent en faveur de cette réunification. Violence, propos antisémites, Almah accouche avec l’aide de son père chirurgien d’un petit garçon, Frederick. Une partie de la famille de Wilhem décide de partir aux USA pour éviter les persécutions. 1938 l’armée allemande pénètre en Autriche et un référendum valide l’Anschluss. Le journal de Wilhem est racheté, les médecins juifs sont exclus. Les parents d’Almah se suicident. C’est Heinrich qui convainc Almah de vendre ses biens mais Wilhem est arrêté.
A partir de là le choix va être radical. Partir ou mourir, et on va suivre pas à pas départ, passeport, visa acheté à prix d’or, passage par la Suisse, trahison d’Heinrich le nazi, une France insensible avec comme but enfin les Caraïbes après un passage à New York où on les rejette. Tous les pays du monde se rejetaient de l’un à l’autre les migrants juifs tout en sachant déjà le sort qui les attendait en Allemagne ou dans les pays occupés. La République Dominicaine tout en étant entre les mains de Trujillo, dictateur lui aussi, va les accueillir. Il leur faudra réinventer la vie, être solidaires, repartir à zéro en particulier pour Wilhem le journaliste, plus facilement pour sa femme dentiste. Une découverte cette BD à plus d’un titre. Winoc a parfaitement cadré l’adaptation, la difficulté de ce qu’a été de choisir de partir pour ces gens qui par contre ont cru de suite à la terreur nazi. Ils vont créer dans la jungle sans grands moyens une ville et plus tard pour certains leur pays. Une leçon à méditer.
Les Déracinés, Philéas Éditions, 18,90 €
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