Il y a eu un avant et un après, au journal Pilote, au printemps 1968. On en a déjà parlé, beaucoup. René Goscinny et sa gestion éditoriale ont été remis en question par les jeunes dessinateurs talentueux, dont Giraud et Mézières qui faisaient le succès du titre. Règlements de compte, on tue le père et on essaye de faire mieux que lui. C’est sur cette révolte, non sire cette révolution, que reviennent Eric Aeschimann, journaliste, et Nicoby, dessinateur. Ils ont prix stylo et crayon pour interviewer les acteurs de ce coup d’état, acte de naissance à leurs yeux de la BD moderne mais qui verra aussi la fin de Pilote hebdo au milieu des années soixante-dix.
On crie très fort en 1968 partout en France. Pas de raison que Pilote, sa rédaction et son boss soient épargnés. René Goscinny est « convoqué » devant ce qui va devenir une sorte de tribunal où ça chauffe dur pour le scénariste d’Astérix ou de Lucky Luke, accusé de brider la liberté des ses auteurs. Goscinny en a gros sur le cœur, veut démissionner mais Georges Dargaud refuse. Gotlib est le premier témoin que rencontre les auteurs. Il revient sur ses débuts avec Goscinny et est l’auteur d’une lettre très dure que Goscinny n’oubliera jamais. Fred ensuite, puis Mandryka qui fondera avec Gotlbib et Bretécher l’Echo des Savanes en 1972 et reviendra à Pilote en 1980. De l’exaltation pour le père du Concombre Masqué qui dit avoir assisté à un procès stalinien. Pauvre Goscinny qui ne comprendra pas et en gardera une cicatrice indélébile. Pour Giraud, cela a été plus difficile. Le père de Blueberry est mort avant de pouvoir être interviewé. Replacé dans le contexte, Giraud se souvient, grâce à d’autres rencontres, qu’il avait attaqué Goscinny d’une façon impardonnable.
Druillet, lui, qualifie Goscinny de visionnaire. Le vrai révolutionnaire, c’était Goscinny. Druillet avec Giraud lancera Métal Hurlant. La conclusion, Bretécher se livre. Pour elle, ils ont « déconné, pauvre René ». On ne refait pas l’Histoire. On en revient à la mort du père. Goscinny a fait les frais des egos troublés d’auteurs géniaux qui se devaient d’être de plus en plus exigeants. Et libres. Un excellent panorama en six portraits bien écrits et bourrés d’infos pour une thèse très vraisemblable.
La Révolution Pilote, 1968-1972, Dargaud, 17,95 €
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