Il a commencé sa carrière de dessinateur par Le Front, chronique en noir et blanc sur la Grande Guerre. Nicolas Juncker a signé ensuite un splendide D’Artagnan mais surtout les trois tomes d’Immergés, la vie terrifiante d’un équipage d’U-Boot allemand pendant la guerre. Un triptyque remarquable, très abouti. Cette fois, Juncker a toujours l’Histoire mais anglaise du XVIe siècle, de la Renaissance, comme source d’inspiration. Elisabeth I, la reine vierge, et Marie Stuart sont les héroïnes de La Vierge et la Putain, deux albums en coffret chez Treize Étrange. Nicolas Juncker a conçu en miroir les pages de ses albums qui racontent la lutte à mort de deux femmes avides de pouvoir. Une explosion de couleurs et un dessin qui montre tout le talent de Juncker. Propos recueillis par Jean-Laurent TRUC.
Pourquoi avoir choisi Elisabeth et Marie-Stuart ?
Elisabeth et Marie Stuart sont deux femmes aux caractères totalement opposés. C’est ce qui m’a influencé dans le choix de ces personnages. Elles sont fascinantes. Deux reines engagées dans une lutte à mort. J’avais découvert une biographie que j’ai adoré lire. Marie Stuart est une manipulatrice, Elisabeth nie les hommes en faveur de son pouvoir absolu et elle a créé l’identité anglaise.
Politiquement elles sont très dissemblables ?
L’Angleterre avait accepté Elisabeth mais ne l’aimera pas même si elle lui doit beaucoup. Elle est là un peu par hasard avec un problème de lignée. Il y a la vision négative d’Elisabeth la méchante qui fait couper la tête à la jolie Marie Stuart pour asseoir sa légitimité et surtout éliminer une rivale potentielle. Marie Stuart a sa part de romantisme, avec ses amants. Elle a été aussi victime des passions religieuses en Angleterre.
Vous vouliez faire une BD historique ?
Ce que je ne voulais pas faire c’est du faux historique. Mes dialogues sont volontairement très contemporains. Le vocabulaire aussi. J’ai beaucoup travaillé le cadrage, les expressions des personnages. Il fallait que l’émotion passe. Je n’aime pas les textes trop envahissants.
Toujours un tour de case en noir comme dans Immergés ?
Oui mais en vraiment plus léger. Il ne faut pas étouffer le dessin. Le cadre peut être pesant.
Vos couleurs sont directes ?
Oui, le pinceau donne plus de poids à l’image. Je complète parfois sur ordinateur.
Vous avez écrit deux albums en parallèle, page pour page.
J’ai défendu ce projet chez mon éditeur qui m’a fait confiance. La construction des albums est effectivement en parallèle. J’ai fait deux synopsis détaillés qui se renvoient l’un à l’autre. L’écriture est très cadrée. J’ai fait un story-board et à la fin du premier j’ai rajouté deux pages. Il y avait comme une sorte d’explosion au centre de l’album. Ensuite je devais aligner les deux albums. Je travaille en, A4 et aussi en petit format. Il fallait que je condense les histoires en fonction des pendants qui se font face dans les albums. C’est un choix créatif de miroir à part égales.
Votre dessin, votre scénario, tout est bien pesé, travaillé.
D’autant que nous n’avons pas de détails sur la vie privée d’Elisabeth. J’ai gardé les faits. Même si on peut faire des parenthèses dans une histoire. Je suis rentré avec passion dans l’histoire fascinante d’Elisabeth. Elle a un règne flamboyant qui met en place l’empire britannique. J’avoue que je suis un peu amoureux d’elle.
Après ces reines, vos projets ?
J’ai deux ou trois projets en marche. Une uchronie, Weiner en France, un huis-clos de personnages opposés dans la société allemande de 1918 à 1945 et une série, Un Jour sans Jésus avec les apôtres, une comédie. On verra.
La Vierge et la Putain, Elisabeth Tudor & Marie Stuart, Treize Étrange, 35 €
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