On aurait tendance à oublier aujourd’hui, dans un monde où les dépôts de bilan, les licenciements massifs, les rachats et les délocalisations sont monnaie courante, des combats exemplaires comme celui des employés de Lip au début des années soixante-dix. Paradoxe en fait, car le crash de Lip intervient encore pendant les trente glorieuses, à une époque où la France est peu endettée et où le chômage est un mot rare. Lip, des héros ordinaires, remet les pendules à l’heure, formule facile mais qui permet de comprendre ce qu’a été cette lutte sociale exemplaire et courageuse.
A Besançon on fait des montres, de belles montres. Chez Lip il en sort un demi million par an. Et Lip, 1300 salariés, est menacé de licenciements, dirigé par le groupe suisse auquel appartient l’entreprise. Les employés se mobilisent, syndicats en tête. On commence par baisser les cadences, on tracte dans les rues. Solange prend conscience que son avenir se joue et va à l’encontre de la volonté de son compagnon qui ne veut pas qu’elle se mêle de cette lutte perdue. Erreur car les Lip vont faire bouger les choses. Séquestration des patrons, occupation, ripostes au charges CRS envoyées par un gouvernement qui ne peut accepter. On est sous Pompidou et 1968 n’est pas loin. Dans la partie romancée (toute l’histoire est par contre authentique) Solange devient photographe du quotidien de Lip. 369 jours de lutte au moment où en Aveyron le Larzac mobilise contre l’armée qui veut étendre son camp militaire.
Lip va vivre sur son trésor de guerre, les montres que les ouvriers vendent en direct malgré les menaces et la police. Autogestion, espoirs qui ne dureront qu’un temps mais victoire quand même pour les Lip. Finalement les Lip était en avance sur leur temps, précurseur des Florange ou autre entreprise qui ne correspond plus aux critères de rentabilité des actionnaires. Laurent Galandon et Damien Vidal au dessin ont eu raison de nous rafraîchir la mémoire et ce n’est pas un hasard si c’est Jean-Luc Mélenchon qui a écrit la préface.
Lip, des héros ordinaires, Dargaud, 19,99 €
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