Il y a eu, voici un an, un titre dans la même veine que Les Indésirables. Dans Nous étions les ennemis (Futuropolis), on redécouvrait, ou on découvrait pour la plupart, que les Américains avaient mis dans des camps leurs propres ressortissants d’origine japonaise. On parle bien sûr de la seconde guerre mondiale, de Pearl Harbor en 1941 et de l’obsession US de l’ennemi intérieur. Quitte ensuite à enrôler les plus jeunes dans leurs troupes après avoir signé un document les faisant renoncer à toute allégeance à l’empereur du Japon. Les Indésirables est signé par Kiku Hughes, américaine d’origine japonaise. Une autobiographie pour laquelle elle a pris un angle certes familial pour raconter cet épisode tragique mais aussi fantastique pour se faire le témoin en direct à l’époque de la paranoïa américaine. Certes lourde mais comment alors qualifier la honte française avec ses camps d’internements en 1940, les internés politiques, les juifs Français, trahis, livrés aux Allemands, déportés, assassinés.
2017, premier voyage dans le temps pour une jeune fille, Kiku, qui de Seattle vient à San Francisco avec sa mère qui veut revenir là où elle a grandi. Elle fait une pause, est enveloppée par la brume et se retrouve dans une salle de concert où une jeune violoniste est sur scène. C’est sa grand-mère. Kiku est revenue au début des années 40. Sur les murs des slogans, « pas de Japs dans nos écoles ». Kiku revient de nos jours et interroge sa mère sur le passé familial dont elle ne sait rien. A la TV Trump, candidat, préconise la fermeture des frontières aux Musulmans. Le lendemain, retour de la brume et Kiku repart en arrière dans le temps. Une affiche annonce cette fois les interdictions faites aux personnes d’origines japonaises. Dans l’avion du retour puis chez elle Kiku va s’embarquer pour un séjour très long où elle vit en direct l’internement en camps fermés des Américains d’origine japonaise.
Nikkei ou immigrants japonais même naturalisés, ce seront eux les victimes morales des choix US. Plusieurs dizaines de milliers seront internés, libérés en 1945 sans un mot d’excuse. Une vie au quotidien derrière des barbelés, dans un pays libre qui va tirer un trait sur ses principes, le regretter bien plus tard et s’excuser il n’y pas très longtemps par la voie de Bill Clinton ou Obama, voter une indemnité. Reste le récit très précis de Kiku Hughes sur un joli trait simplifié, enlevé, réaliste qui fait acte de son devoir de mémoire et le raccroche aussi aux tentations sécuritaires, autarciques des USA d’aujourd’hui.
Les Indésirables, Rue de Sèvres, 18 €
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