Dobbs nous l’avait annoncé quand on l’avait rencontré l’an dernier. Il allait, dans le cadre de la collection Rendez-vous avec X chez Comix Buro, traiter la bataille de Diên Biên Phu qui allait sonner le glas de la présence française en Indochine et donc au Vietnam. En 1954, un état-major qui s’imagine encore qu’on manœuvre dans la jungle comme à Verdun va sacrifier les meilleurs bataillons de l’armée française, pris au piège dans une cuvette où ils sont allés sur ordre s’enterrer au Nord Vietnam. Avec cet épisode parfaitement dessiné par Mr Fab avec quelques rares petits détails décalés que ne verront que les spécialistes, Dobbs rend aussi un hommage à des hommes dont peu reviendront des camps viets, à des femmes, les Vietnamiennes du BMC qui deviendront infirmières et disparaîtront abattues par leurs compatriotes.
14 mars 1954, un capitaine du 11e Choc réussit à rejoindre les tranchées de Diên Biên Phu qui ploie sous les assauts et les obus viets. Comment le colonel Piroth, chef de l’artillerie, a-t-il pu être aussi confiant et nier que les Viets puissent acheminer sur les sommets des canons qui vont pilonner la piste et le camp retranché ? Un rendez-vous avec X va permettre au journaliste Patrick Pesnot d’en savoir beaucoup plus sur les raisons de cette défaite qui se voulait en fait une victoire décisive sur Giap et Ho-Chi-Minh. La guerre d’Indochine n’est pas comme le dit Monsieur X qu’une sale guerre. C’est une Guerre morte comme le titre l’ouvrage photo de Dannaud, une guerre de soldats professionnels souvent formés aux combats de la Libération de la France. Le général Navarre nommé en Indochine veut en finir. De Lattre est mort en 1952. Il aurait pu infléchir le destin des armes. Pas un Navarre qui va jouer la carte d’un ennemi fixé par un point d’appui sur lequel il se brisera. D’autant que les Viets se planquent au Laos. Diên Biên Phu à 200 kms d’Hanoï, près du Laos, est parfait. On va remettre en état une piste qui date de l’occupation japonaise. On monte l’Opération Castor fin novembre 1953 pour investir le coin après le succès de celle de Na San où on avait bloqué les Viets.
La suite, on la connait presque par coeur. On se souviendra des regrets de notre amie Brigitte Friang, grand reporter, arrivée avec le 8e BPC (on la voit dans l’album) et qui a attendu en vain l’offensive Viet, quitte le camp quelques jours avant qu’elle ne commence. Ce sera Geneviève de Galard, convoyeuse de l’air qui sera l’ange de la bataille. Grauwin, le médecin qui fera des miracles avec les moyens du bord, Schoendoerffer (il en fera un film) qui tentera de s’évader avec Péraud qui mourra, Botella et ses paras viets, le cher Erwan Bergot et sa compagnie de mortiers lourds de la Légion, Bigeard bien sûr si souvent rencontré avec son 6e BPC largement montré dans l’album, Tourret et son 8e BPC, Langlais patron des aéroportés, De Castries qui n’avait rien compris, tous les bataillons paras anéantis, Légion ou coloniaux qui se battront jusqu’au bout, de tous les anonymes amis revenus des camps, Diên Biên Phu restera certes une défaite mais aussi un fait d’arme, un exemple terrifiant de sacrifice accepté comme ces volontaires jusqu’au dernier moment qui vont sauter souvent pour la première fois au bout d’un parachute sur le camp retranché. Dobbs a apporté aussi une part romanesque avec son officier du Choc qui s’en sortira et ouvrira un bar à Saïgon. La porte ouverte à des Américains qui n’aimeront jamais ce pays. C’est vrai aussi que Diên Biên Phu montrera que la puissance coloniale française n’est pas invincible. La guerre d’Algérie va suivre mais l’Indochine aura été pour l’armée française la découverte de la guerre anti-guérilla. Un paradoxe, mais les deux vont se rejoindre, s’opposer, se recouper jusqu’en 1962. Un très bon album, bien documenté, un des meilleurs de la série avec La Baie des Cochons. Pas de drapeau blanc avait dit Bigeard.
Rendez-vous avec X, Diên Biên Phu, Comix Buro, 14,95 €
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