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Chez Adolf, le nazisme ordinaire prend ses marques

Rodolphe est un des meilleurs scénaristes actuels mais surtout capable de toucher tous les sujets avec le même bonheur, la même force. Cette fois, avec Chez Adolf, il nous embarque en Allemagne au début des années trente quand, justement, un petit homme à moustache prend très légalement le pouvoir et impose le nazisme à un peuple qui n’en demandait peut-être pas tant mais qui va finalement rapidement s’y faire. A condition de ne pas être juif, tzigane, homosexuel, communiste, et on en passe. Un brave professeur des écoles est le narrateur sur le dessin efficace de Ramon Marcos de cette montée en puissance du nazisme ordinaire, en direct avec le peuple allemand et la brasserie qui ne porte pas par hasard, le nom d’Adolf.

Un brave type, professeur de collège en janvier 1933 se fait parfaitement à l’idée qu’un certain Adolf Hitler soit élu chancelier de son pays. L’Allemagne ne s’est pas remise des conditions imposées par les vainqueurs de 1918 et le traité de Versailles. Ce qui n’excuse rien. Le bar Les Joyeux amis a décidé de changer de nom. Et devient Chez Adolf, un peu d’opportunisme pour fêter l’arrivée au pouvoir du nouveau chancelier Adolf Hitler. Les Sections d’Assaut paradent dans la rue devant la population bras tendu. Karl Stieg va faire avec. Il a une maitresse qui lui montre le chef des Jeunesses Hitlériennes. Mais Karl ne se mêle pas de politique et n’est pas au parti nazi. Ce que ses collègues lui reprochent. Un autre professeur Helmut, communiste, ne peut se retenir et agresse un prof nazi. On conseille à Karl de ne plus le fréquenter. A Berlin le Reichstag brûle. On accuse les communistes.

Un très intéressant rappel qui fait acte de mémoire car, finalement, le nazisme ne s’est pas implanté en Allemagne par un coup de force mais en toute légalité. La montée en puissance des organisations nazis, l’endoctrinement des jeunes, la haine des Juifs, la chasse aux auteurs « dégénérés », tout va aller très vite comme l’ouverture des premiers camps de concentration. Le nazisme ordinaire, c’est sa mise en place même pas sournoise que montre Rodolphe et Marcos sur des couleurs de Fogolin. On comprend très vite que l’Histoire peut parfaitement bégayer à nouveau de nos jours, où que ce soit. Le dessin, le scénario sont parfaits, sans équivoque et restituent le côté très ordinaire du nazisme. Karl Stieg, le héros, va-t-il prendre conscience de ce qui se passe mais que pourra-t-il faire ? Un premier tome qui pèse lourd, nécessaire, avec bien sûr une part de romanesque mais avec surtout un trame historique sans faille à méditer. Rien de gratuit dans cette narration indispensable que l’on suivra avec intérêt.

Chez Adolf, Tome 1, 1933, Delcourt, 14,95 €

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