Si il y a bien un pays dont on sait peu de choses car balloté depuis presque un siècle au gré d’une histoire mouvementée, c’est bien le Laos. Son destin oublié et celui de ses habitants a été le jouet des puissances qui s’affrontaient en Asie, en Indochine terme français pour qualifier l’union du Vietnam, du Laos et du Cambodge. Le peuple laotien méritait qu’on raconte ses souffrances passées et présentes. Pays du Million d’éléphants, c’est sous ce titre que Jean-Luc Cornette et Vanyda ont rendu hommage au Laos afin qu’on découvre et que l’on n’oublie pas un pays qui mérite de retrouver la paix totale et s’éloigner d’une pauvreté endémique qui le ronge.
Tout va plus ou moins commencer en 1943. Le Laos est un royaume dont Luang Prabang est la capitale royale et avec ses airs de petite préfecture françaises aux maisons coloniales discrètes. Les personnages de l’album vont se mettre en place et évoluer peu à peu au fil des ans alors que la guerre ronge déjà le Vietnam tout proche avec le Vietminh de Ho Chi Minh qui sert du Laos comme base arrière. En 1954 la garnison française de Dien Bien Phu doit se rendre mais le Laos avec des officiers français envoie une colonne de secours vers le site. On suit toujours le chemin de ces Laotiens qui bientôt auront aussi à subir les bombardements américains car ce sont les USA qui ont remplacé les Français au Vietnam. Le Pathet Lao communiste sera bientôt aux commandes et déposera le roi. Chauffeur de taxi, musicien, élève officier, enseignant, certains partiront pour l’exil au prix fort payé pour rejoindre la Thaïlande voisine par le Mékong. Ils viendront souvent en France, iront même en Guyane où les conditions climatiques sont les plus proches de celles du Laos. Ils changeront parfois de nom pour que leurs enfants soient plus facilement assimilés.
Il faut prendre son temps pour bien comprendre le récit de Jean-Luc Cornette qu’illustre le dessin coloré de Vanyda qui raconte en toile de fond l’histoire de sa propre famille en la romançant partiellement. Il y a une grande douceur et un certain fatalisme dans l’histoire du peuple du Laos. Quand on parcourt les rues de Luang Prabang devenues un haut lieu du tourisme un brin bobo (le tourisme est la première source de devises), on sent souvent une vraie tristesse malgré la gentillesse des Laotiens, encore plus lourde si on part dans la montagne pour rejoindre la mythique Plaine des Jarres, un des endroits les plus chargés émotionnellement du pays et qui a été un champ de bataille en 1953 entre la France et le Vietminh. La plaine sera bombardée à outrance par les Américains et garde toujours des traces bien visibles des combats. L’emprise politique sur le pays est plus prononcée qu’au Vietnam tout proche bien que se libéralisant.
On ne peut être que concerné par Un Million d’éléphants, ces beaux animaux dont il ne reste plus que quelques centaines que l’on tente de protéger. Mais c’est le peuple laotien qui est en danger comme les Hmongs, ces montagnards minoritaires qui sont la cible du gouvernement. Un Million d’éléphants raconte avec tendresse et objectivité, sans passion mais beaucoup d’amour, l’histoire d’un peuple attachant qui a besoin d’aide.
Un Million d’éléphants, Futuropolis, 23 €
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